8 décembre 2020

Tribune du collectif AIR-SANTE-CLIMAT- Les particules ultra-fines issues du pot d'échappement plus toxiques que les PM10 et PM2.5

Cette tribune a été adressée à Madame la Ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili ainsi qu’à Monsieur le Ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.

Notre collectif AIR-SANTE-CLIMAT composé de médecins, de chercheurs et de responsables associatifs a pour objectif d’alerter sur l’impact de la pollution atmosphérique sur la santé et de proposer des solutions pour améliorer la qualité de l’air.  Notre combat est celui de la vérité scientifique.

Alors qu’une étude parue dans la revue Nature[1] et le rapport de l’OCDE[2] alertent sur la part croissante de l’usure des pneus et du freinage des véhicules dans les émissions de particules PM2.5 (2,5 µm de diamètre) et de PM10 (10 µm de diamètre) , le Collectif Air-Santé-Climat rappelle qu’en dépit de l’importance de ces résultats il ne faut pas oublier de considérer les particules ultrafines qui représentent pourtant l’essentiel des particules issues du pot d’échappement du parc véhiculaire. Les scientifiques du Collectif appellent donc à remettre en perspective les conclusions de ces deux travaux :

Une étude parue dans la revue Nature [1] ainsi que le rapport de l’OCDE [2] alertent sur la part croissante de l’usure des pneus et du freinage des véhicules dans les émissions de particules de « grosse taille » PM 10 et de particules fines PM2.5, mais elles omettent des éléments importants :

  • Premièrement il est normal que les émissions du pot d’échappement soient de moins en moins représentées au sein des PM10 et des PM2.5, en effet, à la différence des particules issues de l’usure des pneus ou du freinage qui sont émises directement sous forme de PM2.5 et de PM10, 90 % des particules émises par le trafic routier sont des particules ultrafines – de moins de 0.1 µm. Bien qu’une partie de ces particules ultrafines peut en s’agglomérant former des particules de plus grosse taille notamment des PM2.5, une grande partie d’entre elles restera dans l’air sous forme de particules ultrafines. Ces particules ultrafines représentent actuellement les particules les plus dangereuses en raison de leur taille – qui leur permet d’atteindre tous les organes notamment le système cardio-vasculaire, le fœtus et également le cerveau par le biais du passage de la barrière alvéolaire – mais également en raison de leur composition, ces particules étant composées majoritairement d’hydrocarbures aromatiques polycycliques. Se limiter aux aux PM10 et les PM2.5 revient donc à passer sous silence ces particules ultrafines qui posent et qui vont poser à l’avenir le plus de problème sanitaire comme le rappelait récemment l’ANSES[3] . Malheureusement, ni l’article de Nature ni le rapport de l’OCDE ne prennent en compte les émissions de particules ultrafines.
  • De plus, l’étude parue dans Nature s’est focalisée sur le stress oxydatif qui est un des mécanismes de toxicité des polluants. Néanmoins rappelons que de nombreuses molécules présentes sur les particules fines- telles que des métaux lourds ou des hydrocarbures aromatiques polycycliques – sont des perturbateurs endocriniens ou des cancérigènes avérés dont les mécanismes d’action ne passent pas forcément par un stress oxydatif. Il ne faut donc pas réduire les effets sanitaires de la pollution de l’air au seul stress oxydatif.

Encore une fois, l’objectif de ce communiqué n’est pas de minimiser l’impact des particules issues de l’usure des pneus et des particules de frein d’autant plus que des solutions existent : modifier la composition des gommes de pneus, diminuer la teneur en cuivre des particules de frein, installer des aspirateurs de particules de frein et surtout diminuer le poids des véhicules. Mais de rappeler et d’expliquer que les émissions du pot d’échappement restent un problème sanitaire majeur et largement sous-estimé car ces émissions restent malheureusement sous les radars, les particules ultrafines n’étant pas  toujours dénombrées dans l’air ambiant en routine, et ne font l’objet d’aucune norme européenne.

Professeur Isabella Annesi-Maesano, Directrice de recherche INSERM  / Directrice d’équipe labellisée INSERM et Sorbonne Université EPAR ; 

Docteur Mallory Guyon, Collectif Environnement Santé 74 ;

Docteur Thomas Bourdrel, Collectif Strasbourg Respire

Docteur Gilles Dixsaut, Comité Francilien contre les maladies respiratoires

Docteur Pierre Souvet, Association Santé Environnement France (ASEF) ;

Docteur Jean-Baptiste Renard, Directeur de recherche LPC2E-CNRS

Guillaume Muller, association Val-de-Marne en Transition.