Les brèves de l'ASEF- 1er MAI 2020

Bonjour à toutes et à tous,

Pour ces nouvelles brèves, focus sur les perturbateurs endocriniens au cabinet dentaire par Dr Alice Baras, chirurgien-dentiste; retour sur l’intervention du Dr Souvet lors de 2ème table ronde organisée par Sandrine Josso, députée de Loire Atlantique. Enfin une étude sur les pesticides. Bonne lecture !

Les perturbateurs endocriniens au cabinet dentaire

 

Comme chacun d’entre nous aujourd’hui, le chirurgien-dentiste et son équipe sont exposés quotidiennement à des substances chimiques potentiellement perturbatrices endocriniennes.

On peut bien sûr citer les substances classiquement retrouvées dans nos habitations. Elles sont présentes dans les revêtements de sol en PVC, les détergents, les désodorisants… En milieu médical, on retrouve les consommables et contenants et leurs phtalates ou encore les traitements chimiques des équipements de protection, telles que les blouses. Il faut garder un œil averti sur les vêtements dits « intelligents ».

Au cabinet dentaire, d’autres sources sont présentes au sein des dispositifs médicaux utilisés lors des soins. Parmi les biomatériaux utilisés pour restaurer les dents après éviction des lésions carieuses, citons deux composés souvent évoqués : bisphénol A (BPA) et mercure.

La récente publication des résultats de l’étude de cohorte Esteban citait comme source d’exposition au BPA les résines et colles utilisées lors des soins dentaires [1]. Il est important de préciser qu’aucun de ces matériaux ne contient de BPA pur, mais certains d’entre eux sont produits à partir de dérivés (leur matrice résineuse est formée de monomères comme le Bis-GMA ou le Bis-DMA) [2]. Les concentrations de BPA détectées dans la salive et l’urine après traitements dentaires sont liées soit à la présence d’impuretés lors de la fabrication ou à la dégradation des monomères par les enzymes salivaires [3]. Il convient de choisir avec soin ces matériaux et suivre les recommandations de mise en œuvre pour limiter au maximum ce relargage. Cette source d’exposition est, selon les études, relativement faible par rapport autres sources. Cette précision est à prendre avec du recul compte tenu du changement de paradigme toxicologique observé pour les perturbateurs endocriniens.

Dans cette liste non exhaustive on peut également citer le mercure. Il est présent à 50% dans les amalgames dentaires (ou « plombage »). De moins en moins utilisé [4], car décrié pour son impact environnemental et son inesthétisme, il reste cependant bien présent dans la bouche de nombre d’entre nous. La toxicologie classique reconnaît un risque d’exposition délétère à partir de 10 amalgames en bouche. Cette évaluation du risque n’est plus valable depuis que le mercure est reconnu perturbateur endocrinien [5]. La notion de « dose acceptable » n’est plus de mise. Il ne faut cependant pas se précipiter chez son praticien pour les retirer inconsidérément : c’est à la pose et la dépose que les vapeurs sont principalement libérées !

Repérer les sources d’exposition permettra de protéger la santé de l’équipe soignante, celle de leur patient et des générations futures. Le risque sera géré soit en les éliminant, les substituant ou en mettant en place des mesures de protection collective ou individuelle. Il s’agit d’éviter au maximum l’exposition des publics les plus sensibles : le personnel soignant et les patientes en période préconceptionnelle, enceintes ou allaitantes et les jeunes enfants.

Dr Alice BARAS, mars 2020.

Chirurgien-dentiste

baras.alice@ecops-conseil.com

Intervention du Dr Souvet à la 2ème table ronde sur les cancers pédiatriques

 

Après des décennies ou la pollution et ses effets sur la santé, l’environnement et la planète ont été négligés. Il ressort, comme l’indique le rapport de la commission LANCET de 2019,  que la pollution constitue actuellement la plus grande menace environnementale au regard des maladies et des décès prématurés dans le monde.

S’intéresser à la santé environnementale (SE), c’est lutter contre des dizaines de facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, de cancer, de maladies chroniques (obésité, diabète…), de troubles de fertilité, de troubles du neuro-développement et du comportement.

En 2015, les maladies causées par la pollution ont entraîné neuf millions de décès prématurés, soit 16 % du nombre de décès dans le monde.

En France, les maladies chroniques, dont une grande partie son liées aux causes environnementales, touchent 20 millions de personnes et représentent 60% des dépenses de santé. Or, la prévention ne représente que 1% des dépenses de santé; un effort majeur à la hauteur des enjeux est nécessaire.

Les problématiques les plus importantes me semblent être la pollution de l’air, avec  de 48 000 à 67 000 morts par an selon les études; focus récent sur l’épidémie actuelle de coronavirus avec une étude sur le territoire américain qui montre une surmortalité due au Covid-19 dans les régions les plus polluées.

Les pesticides omniprésents dans notre environnement : air, eau et ressources en eau et alimentation. Outre leur toxicité directe, ils ont  très souvent des propriétés perturbatrices endocriniennes, troisième point majeur de santé environnement ;

Omniprésents dans le quotidien, parfois persistants dans l’environnement, les perturbateurs endocriniens nous exposent, comme les pesticides, à des imprégnations au long cours. C’est la notion d’exposome. On ne peut plus réfléchir substance par substance puisque nous sommes imprégnés de dizaines de substances chimiques, pour la plupart utilisées à but industriel et bien évidemment qui n’ont aucun intérêt sanitaire.

Des problèmes santé environnement émergent: les ondes électromagnétiques, les nanoparticules, le changement climatique dont nous devons déjà préparer une politique d’adaptation et la biodiversité; on ne peut là aussi plus séparer la santé animale et humaine et l’environnement; tout est lié et le concept « one health » doit être un nouveau paradigme.

Les normes actuelles de toxicologie sont actuellement  basées sur le principe de Paracelse : »la dose fait le poison ». Ce principe n’est plus valable car on a démontré qu’à plus faible doses, les  substances chimiques perturbatrices endocriniennes peuvent être plus toxiques. La toxicologie actuelle est mise à mal par le fait que les effets cocktails ne sont pas étudiés, ni les expositions lors des fenêtres de vulnérabilité, particulièrement la période de la grossesse et de la petite enfance qui conditionnent le futur sanitaire de l’enfant.

L’épigénétique et l’expression des gènes est un élément majeur. Un gène oncosuppresseur qui ne pourra pas s’exprimer à cause d’un facteur environnemental augmentera le risque de survenue d’un cancer.

Les liens cancer et pesticides sont avérés. Chez l’enfant, le lien est  fort avec leucémie et cancer du cerveau, notamment en cas d’exposition de la mère, voire du père en milieu professionnel mais aussi résidentiel.

On voit la complexité des liens santé environnement, mais l’inaction n’est pas tolérable. Des actions individuelles d’évitement des citoyens doivent être initiées et elles passent par l’information des populations. Les professionnels de santé doivent  aussi les conseiller. Mais pour cela, leur formation (actuellement proche de zéro lors de leur parcours universitaire) doit être drastiquement renforcée. Les différents plans nationaux santé environnement ont tous repris cet item majeur. Force est de constater que l’on a peut avancer (rapports IGAS et CGEDDD).

La Territorialisation de la santé est nécessaire. Chaque territoire a ses spécificités. Les données doivent servir à un diagnostic local ou plutôt territorial de santé incluant le diagnostic santé, social et environnemental pour intégrer  un Plan Territorial  de Santé Environnement. A l’instar des bureaux d’hygiène, les territoires doivent avoir la compétence en SE, et introduire dans chaque décision et plan, l’aspect prévention de la santé et de l’environnement. Une action législative est probablement nécessaire mais à court terme, ces diagnostics locaux de santé et plan territoriaux de santé peuvent intégrer les contrats locaux de santé des EPCI (établissement public de coopération intercommunale) pour renforcer les objectifs de prévention et d’éducation à la santé.

Dr Pierre Souvet

Président de l’ASEF, cardiologue

Un cocktail de fongicides responsable de la progression de la maladie d’Alzheimer ?

 

Un mélange de trois pesticides utilisé contre les moisissures, pourrait accélérer la manifestation de marqueurs de la maladie d’Alzheimer. Telle est la conclusion d’une étude coordonnée par des chercheurs français et publiée dans revue scientifique de renom, Environmental Health Perspectives, en février 2020 [6].

En partant du constat que les pesticides ont envahi notre environnement et notre alimentation depuis le siècle dernier, ces chercheurs ont voulu s’intéresser aux effets sur le long terme de ces molécules chimiques sur les marqueurs de cette démence.

Pour ce faire, ils ont exposé chroniquement un groupe de 20 rongeurs à de faibles doses de trois fongicides  (cyprodinil, mépanipyrim, et pyriméthanil) dans leur eau de boisson pendant 9 mois (à des taux réglementaires de 0.1 µg/L) contre un groupe de souris modèles non exposées à ce cocktail.

Après cette période, une quantité plus importante de plaques amyloïdes, marqueur dominant de cette maladie, a été mise en évidence. Ce n’est pas la seule conclusion. En effet, des dépôts vasculaires évocateurs de l’angiopathie amyloïde céré­brale, connue pour provoquer des hémorragies cérébrales chez les personnes atteintes de la maladie ainsi que des protéines marqueurs d’inflammation cérébrale, caractéristiques de cette démence ont été observés chez les souris modèles exposées à ces substances.

En conclusion, cette étude ne démontre pas un lien entre l’exposition à ces trois pesticides et le déclenchement de la maladie d’Alzheimer mais bien une aggravation des signes préexistants.

D’un point de vue épidémiologique, une étude de l’International. Journal of Environmental Research and Public Health [7] , basée sur 66 publications et selon la méta-analyse des études observationnelles en épidémiologie (MOOSE) et le Classement des recommandations, évaluation, développement et d’évaluations (GRADE) a démontré que l’exposition aux pesticides a augmenté le risque de contracter les maladies neurodégénératives en au moins 50% (Parkinson, Alzheimer et Sclérose Latérale Amyotrophique par ordre décroissant). L’exposition au plomb n’a été étudiée que pour la SLA et la maladie de Parkinson et concernait 50% risque accru. Une insuffisance d’études épidémiologiques n’a pas pu établir de lien plomb – maladie d’Alzheimer. L’exposition professionnelle aux ondes électro-magnétiques semblait impliquer une augmentation de 10% environ du risque de SLA et la maladie d’Alzheimer uniquement.

APPEL DES SOIGNANTS A SOUTENIR LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT

 

Pour renseigner votre signature:

https://forms.gle/Cojy4jPFA174QPSu9

Petit point agenda :

 

En raison de la crise sanitaire actuelle:

NOUVEAU REPORT. Le congrès « Un autre regard sur le cancer », organisé par le Centre Ressource, initialement  prévu le 30 mai a été reporté au Samedi 5 décembre, à Aix-en-Provence.

Pour vous inscrire : https://www.atoutcom.com/portfolio/uarc/

 

L’ASEF soutient l’Appel des Coquelicots qui demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèsehttps://nousvoulonsdescoquelicots.org/l-appel/

 

SOURCES

[1] https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/exposition-a-des-substances-chimiques/perturbateurs-endocriniens/documents/rapport-synthese/impregnation-de-la-population-francaise-par-les-bisphenols-a-s-et-f-programme-national-de-biosurveillance-esteban-2014-2016

[2] Löfroth M. et al. Bisphenol A in dental materials- existence, leakage and biological effects. HELIYON, 2019, vol.5, numéro 5.

[3] Maserejian NN, Trachtenberg FL, Wheaton OB, et al. Changes in urinary bisphenol A concentrations associated with placement of dental composite restorations in children and adolescents. J. Am. Dent. Assoc. 2016;147:620–630

[4] Depuis le 1er juillet 2018 la pose d’amalgame est interdite chez la femme enceinte et l’enfant de moins de 15 ans.

[5] https://endocrinedisruption.org/interactive-tools/tedx-list-of-potential-endocrine-disruptors/search-the-tedx-list#sname=mercury&searchfor=any&sortby=chemname&action=search&searchcats=all&sortby=chemname

[6] “Fungicide Residues Exposure and b-amyloid Aggregation in a Mouse Model of Alzheimer’s Disease”, Pierre-André Lafon, Yunyun Wang, Margarita Arango-Lievano et al., Environmental Health Perspectives, Janvier 2020, https://ehp.niehs.nih.gov/doi/10.1289/EHP5550

[7] “Occupational Exposures and Neurodegenerative Diseases—A Systematic Literature Review
and Meta-Analyses”
, Lars-Gunnar Gunnarsson and Lennart Bodin; International Journal of Environmental Research and Public Health, Janvier 2019

A bientôt pour les prochaines brèves.

Prenez soin de vous et de vos proches et restez chez vous!

Le Club des 10 de l’ASEF