12 novembre 2021

L’Etude PestiRiv- Dr Jean Lefèvre

Le 4 mai 2017, un arrêté ministériel était publié, relatif « à la mise sur le marché et à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants ».  Il fixe ainsi les conditions et les délais à respecter entre application, récolte et rentrée des travailleurs agricoles après utilisation de ces produits.

Le 26 juin 2019, le Conseil d’Etat, sollicité par les associations Générations Futures et Eau et Rivières de Bretagne annule plusieurs dispositions de cet arrêté, estimant qu’elles étaient insuffisantes au regard des enjeux de santé publique et de protection de l’environnement. En particulier, absence de mesures de protection des riverains des zones agricoles traitées, des cours d’eau. De plus, l’arrêté ne ciblait que les pesticides utilisés par pulvérisation ou poudrage.

Ouverte en septembre 2019 par le gouvernement, une consultation publique en ligne rassemble 53 000 contributions. Malgré une lettre de plusieurs associations (Fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement, Générations Futures, Alerte des Médecins sur les Pesticides et l’ASEF) demandant de publier de toute urgence les résultats de la consultation, le 14 décembre, ceux-ci n’étaient toujours pas publiés ( Le Monde 14/12/2019).

Par contre, le 20 décembre, le gouvernement arrête les distances de « zone tampon » tout à fait insuffisantes : 10 mètres pour les cultures « hautes », 5 mètres pour les cultures « basses » avec parfois même des dérogations sous certaines conditions.

Un nouveau recours est déposé devant le Conseil d’Etat et celui-ci, le 26 juillet 2021, à nouveau ‘’ordonne que les règles d’utilisation soient complétées pour mieux protéger la population’’ et ceci sous 6 mois.

Trois points doivent être revus :

  • Les distances entre les zones d’épandage et les habitations
  • Les mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité d’une zone d’utilisation de pesticides
  • L’information des résidents et des personnes présentes à proximité des zones d’épandage en amont de l’utilisation des pesticides.

A la suite (ou en raison) de ces péripéties, la première phase de l’étude ‘’PestRiv’’ est lancée en octobre 2019 dans 2 régions viticoles auprès de 60 ménages riverains de viticulture (moins de 500m). Cette première phase a pour but de construire une méthodologie solide et acceptable pour les participants. Elle dure 6 semaines.

A partir du mois d’octobre 2021, Santé Publique France et l’ANSES lancent l’étude PestiRiv proprement dite.

Elle constitue le premier travail d’évaluation en France continentale de l’exposition aux pesticides des riverains de viticulture en tenant compte de toutes les sources d’exposition, air, eau, alimentation, activité professionnelle et usages domestiques.

Santé Publique France

Les objectifs :

En premier lieu :

Savoir s’il existe une différence entre l’exposition des riverains de vignes et celle des sujets vivant à distance de celles-ci.

Ensuite:

  • Mieux connaitre les sources d’exposition aux pesticides.
  • Etudier l’effet de la distance du domicile aux vignes sur l’exposition.
  • Etudier les liens entre les sources d’exposition et leur influence sur l’exposition globale.
  • Décrire la variation de l’exposition au cours de l’année.

La population étudiée :

  • 6 régions viticoles sont ciblées : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur.
  • Adultes de 18 à 79 ans, enfants de 3 à 17 ans.
  • Communes viticoles et communes éloignées de toute culture.
  • Foyers tirés au sort ; 1 adulte + 1 enfant par foyer au maximum.

Période d’enquête :

  • Octobre 2021 à février 2022 auprès des riverains de vignes
  • Mars 2022 à aout 2022 auprès des riverains de vigne et des personnes vivant loin de toute culture.

Collecte des données :

L’étude dure 2 semaines.

Elle comporte pour tous :

  • Des questionnaires
  • Le relevé des activités quotidiennes
  • Le recueil d’échantillons d’urine
  • Eventuellement des poussières du logement.

Il est proposé de plus:

  • Un recueil de cheveux
  • Un recueil de fruits ou de légumes du jardin
  • Un prélèvement d’air intérieur.

Intérêt et but de l’étude PestiRiv :

Pallier aux errements des différents gouvernements ayant pu être influencés par des intérêts où la prise en compte de la santé des populations n’était pas forcément primordiale dans la gestion de l’utilisation des pesticides.

Après les revues de l’INSERM en 2013 et 2021 sur « Pesticides et Santé », mieux connaitre l’exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes, culture parmi les plus souvent traitées, et loin de toute culture, semble en effet indispensable pour établir des recommandations pour diminuer leurs expositions, pour définir des mesures de gestion et évaluer les dispositifs mis en place localement.

Le rapport complet des résultats de l’Etude PestiRiv sera publié sur le site Internet de Santé Publique et de l’ANSES en 2024.

Le temps de cette étude ne doit pas conduire à l’inaction. Pour rappel, l’exposition professionnelle aux pesticides a des conséquences sanitaires importantes et des liens forts avec la maladie de Parkinson, les cancers (lymphome non hodgkinien, prostate…), troubles cognitifs, troubles de la fertilité, myélome, BPCO, bronchites chroniques, et lorsque l’exposition concerne la grossesse et la petite enfance des leucémies et tumeurs du systèmes nerveux central de l’enfant. (Rapport Inserm 2021 « pesticides et santé » )

Jean Lefèvre, cardiologue, porte-parole de l’ASEF.