Les brèves de l'ASEF du 28 juin 2019

Bonjour à toutes et à tous,

Les brèves de cette semaine vont prendre une tournure très juridique. En effet, nous vous parlerons de la pollution de l’air et des pesticides, avec un petit focus sur le chlorpyrifos. Enfin, nous reviendrons sur le rapport de l’ANSES, paru au printemps 2019, concernant les effets de l’exposition aux champs électromagnétiques basses fréquences sur la santé infantile. Bonne lecture !

RÉGLEMENTATION:

POLLUTION DE L’AIR ET PESTICIDES SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE 

 Concernant la pollution de l’air, suite à la plainte d’une mère et sa fille qui souffraient de problèmes respiratoires l’état a été reconnu responsable de carence fautive : « Les seuils de concentration de gaz polluants fixés à l’article R. 221-1 du code de l’environnement ont été dépassés de manière récurrente entre 2012 et 2016 (NDLR : hors pics de pollution) dans la région Ile-de-France » et « l’insuffisance des mesures prises pour y remédier est en revanche constitutive d’une telle carence ».

Le tribunal administratif n’a par contre pas reconnu que les ordonnances et certificats présentés  permettaient d’imputer les pathologies aux dépassements de seuil de pollution.

Nous citerons à nouveau l’exemple de Tokyo [1], qui en réduisant le taux de particules fines PM2.5 (dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres) de 44% avec des mesures dès le début des années 2000 a diminué la mortalité cardiovasculaire  de 11% et pulmonaire de 22%.

La pollution de l’air est un facteur de risque collectif; ne pas prendre pas les mesures nécessaires à la hauteur de ses dégâts (surmortalité  estimée à 67000 morts /an, juste derrière le tabac) nous semble mettre en cause la responsabilité de l’Etat. Une quarantaine d’autres plaintes sont en instruction.

Passons aux pesticides

On sait qu’en cas d’exposition résiduelle aux pesticides, notamment en période prénatale, il existe une relation avec la leucémie de l’enfant. Nous avions d’ailleurs proposé aux Etats Généraux de l’alimentation d’aider les producteurs à passer en bio près des zones riveraines, ou au moins avoir une zone tampon pour les épandages, mesures qui paraissaient logiques.

Le conseil d’état vient d’annuler un arrêté de 2017 encadrant l’utilisation des pesticides parce qu’il ne prévoit pas les dispositions suffisantes destinées à protéger les riverains, mais aussi la ressource en eau [2].

Cette action en justice a été conduite à l’initiative d’Eau & Rivières de Bretagne, Générations Futures, et l’Union Syndicale Solidaire.

En bref, dans l’actualité 

Enfin la Commission Européenne s’apprête à retirer du marché le chlorpyriphos, insecticide organo-phosphoré, utilisé en remplacement du DDT depuis 1965. En France ce produit est interdit depuis 2016, sauf pour les épinards, mais les importations de fruits et légumes à partir de pays où il est encore autorisé subsistent.

Or, comme l’a montré, entre autres auteurs, Barbara Demeinex, Directrice de laboratoire au Museum d’Histoire Naturelle, le chlorpyriphos et son dérivé le chlorpyriphos-methyl sont d’une part neurotoxiques en inhibant l’acetyl-cholinestérase (enzyme impliqué dans la transmission de l’influx nerveux) freinant ainsi le métabolisme de ce neurotransmetteur, et perturbateur endocrinien d’autre part, agissant sur l’action de la T4 (hormone thyroïdienne) et de la TSH (hormone qui participe à réguler le niveau de sécrétion des hormones thyroïdiennes).

De plus les enfants exposés in utero au chlorpyriphos présentaient en imagerie par résonance magnétique un élargissement de certaines structures cérébrales, des couches corticales plus fines et une modification de certaines autres structures cérébrales en fonction du sexe [3].

On retrouvait de plus des corrélations entre les niveaux de chlorpyriphos et le développement intellectuel infantile à partir des niveaux d’organo-phosphorés dans l’urine maternelle prénatale [4].

Or en 2016 on retrouvait ce pesticide dans 18% des aliments végétaux importés de Chine, 15% de ceux importés de Turquie, 19% de ceux de Tunisie, 9.5% de ceux d’Espagne et 9% de ceux de Pologne [5].  Essentiellement au niveau des agrumes (25 à 40% selon le fruit) mais aussi d’autres végétaux (cèleri, basilic, cumin, persil…)

Il a fallu attendre 2017, plus de 20 ans, pour que les études sur lesquelles étaient basées les autorisations, toutes effectuées ou financées par les industriels, puissent être consultées et étudiées [6] ce qui a permis à ces auteurs de constater que ces études étaient biaisées, modifiées et erronées.

Cela démontre, comme  pour le scandale du Glyphosate, et celui du chlordécone aux Antilles, le pouvoir des acteurs économiques et capitalistiques pour faire passer leurs intérêts avant la Santé Publique et la nécessité d’une vigilance permanente de la part des citoyens et des organisations qui les représentent face à ces pouvoirs.

A propos des lignes haute tension…

Depuis le début des années 70, la question du risque potentiel d’altération de la santé par les champs de basse fréquence (8,3Khz), pouvant éventuellement aller jusqu’à la cancérisation, était soulevée. Particulièrement désignées à l’époque, les lignes à haute et très haute tension. Les études épidémiologiques faites ne parvenaient pas à une conclusion catégorique et, de ce fait, la section cancer de l’OMS s’est contentée de garder la classification de ces champs, établie en 2002 ,comme « cancérigènes possibles pour l’homme ».

 Au début juin de cette année, l’ANSES, après consultation de nouvelles études épidémiologiques, réaffirme ces conclusions de 2010  sur la réelle possibilité d’atteinte leucémique chez les enfants et insiste sur l’application dans ce domaine, du principe de précaution quant aux installations de crèches et autres structures destinées à recevoir des enfants [7].

Pour finir, le dicton des vacances pour fortifier nos énergies :

« L’utopie ce n’est pas ce qui est irréalisable, c’est ce qui n’a pas encore été réalisé »  (variation de la citation de Théodore Monod : « l’utopie n’est pas l’irréalisable mais l’irréalisé »)

Avant de clore ces brèves, nous vous rappelons que l’ASEF soutient l’Appel des Coquelicots qui demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèse: https://nousvoulonsdescoquelicots.org/l-appel/

Petit point agenda :

Le 28 juin, Dr Spiroux, médecin environnementaliste, sera présent au groupe de travail sur l’air intérieur dans le cadre du PNSE 4 organisé par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, à Paris.

Le 29 juin, Dr Josiane Jos-Pelage, pédiatre et présidente de l’AMSES (Association Médicale pour la Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé), animera une formation DPC sur les perturbateurs endocriniens et le chlordécone, en Guadeloupe.

Le 4 juillet, c’est au tour de Dr Trebuchon, allergologue d’assister à un autre groupe de travail sur l’air du PNSE4, à Paris. Dr Souvet, quant à lui, prendra part à celui sur le thème « Informer, communiquer et former les professionnels et les citoyens »

Le 9 juillet, l’ASEF sera présente au Groupe Santé Environnement, à Paris, pour rencontrer plusieurs ministres.

Nous vous donnons rendez-vous le  13 septembre 2019 pour les prochaines brèves, 

D’ici là, passez un bel été et portez-vous bien

Le Club des 10 de l’ASEF

SOURCES

[1] “Say No To Diesel” Campaign (1999) and Low Emission Zone (2003) in Tokyo.

 “Fine-Particulate Air Pollution from Diesel Emission Control and Mortality Rates in Tokyo: A Quasi-Experimental Study”, Yorifuji T, Kashima S, Doi H., Epidemiology 2016;27:769-78.

[2] https://www.generations-futures.fr/actualites/victoire-arrete-pesticides/

[3]Seven-year neurodevelopmental scores and prenatal exposure to   chlorpyrifos, a common agricultural pesticide”, Rauh V, Arunajadai S, Horton M, Perera F, Hoepner L, Barr DB, Whyatt R.,Environ Health Perspect., 2011

[4] “Prenatal exposure to organophosphate pesticides and IQ in 7-year-old children”, Bouchard MF, Chevrier J, Harley KG, Kogut K, Vedar M, Calderon N, et al., Environ Health Perspect, 2011

[5]https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/06/17/les-residus-de-pesticides-n-ont-pas-de-frontieres_5477093_3244.html

[6]Safety of Safety Evaluation of Pesticides: developmental neurotoxicity of chlorpyrifos and chlorpyrifos-methyl”, Christina Rudén and Philippe Grandjean, Environ Health.,2018

[7] Avis et rapport de l’ANSES relatif aux effets sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétiques basses fréquences:

https://www.anses.fr/fr/system/files/AP2013SA0038Ra.pdf