Hors-série 60 Millions : Manger BIO – Synthèse et conclusion


« Mangez BIO », injonction en passe de devenir un nouvel adage pour qui s’inquiète pour sa santé mais les détracteurs sont nombreux. Qu’en est-il réellement ? L’étude fouillée du magazine « 60 millions » met en avant plusieurs points importants.


L’alimentation bio est réglementée en France et en Europe à travers une labellisation encadrée par un cahier des charges spécifique dont les principaux éléments concernent les modes de production et de transformation, le traitement des animaux, l’utilisation d’additifs alimentaires et de produits phytosanitaires tels que les pesticides et la présence d’OGM. Le label français est identifiable par le sigle AB (pour Agriculture Biologique) et le label européen par « l’eurofeuille » aujourd’hui bien connus. Pour les aliments transformés, 5% maximum d’ingrédients non bio sont autorisés et seuls 54 parmi les quelques 330 additifs alimentaires autorisés en Europe sont admis en bio (essentiellement des additifs d’origine naturelle). Une évaluation annuelle de la production à la
vente est réalisée par un organisme de certification agréé (Ecocert, Certipaq Bio…). Un déclassement aura lieu en cas de non-conformité.


Pour les produits importés, une indication d’origine « UE/NON UE/UE-NON UE » doit être mentionnée et ils doivent bénéficier d’une équivalence au label bio européen ou devront être certifiés strictement conformes après contrôles documentaires de traçabilité et prélèvements ponctuels à l’importation. Actuellement, 67% des produits bio sont d’origine française, le reste provient essentiellement d’Europe, puis hors-Europe pour des produits non cultivables en Europe (café, chocolat…).
Des labels privés plus exigeants complètent les conditions du cahier des charges bio avec d’autres critères environnementaux, sociaux, sociétaux ( « Biocohérence », « Demeter », « Nature et progrès ».


D’un point de vue des conséquences directes sur la santé, les études d’intervention mettent clairement en évidence la moindre charge en pesticides présents dans les urines des consommateurs de bio. Les études prospectives sont complexes et longues à réaliser mais l’étude Nutrinet-Santé impliquant une cohorte de 170 000 « Nutrinautes » a cumulé de nombreux faisceaux de preuves des bénéfices de l’alimentation bio sur la survenue de maladies métaboliques (surpoids et obésité, diabète) et de certains cancers (lymphomes, cancer du sein). L’effet cocktail de mélanges de substances phytosanitaires aux doses préconisées a été étudié sur la souris démontrant un impact sur la prise de poids.
Par ailleurs, l’Inrae a pu mettre en évidence une plus haute densité nutritionnelle de produits agricoles issus de l’agriculture biologique (plus forte teneur en vitamine C dans les végétaux et plus forte teneur en acides gras oméga 3 dans les produits animaux). On peut d’ailleurs noter que dans la dernière mise à jour du PNNS en 2019 (Programme National Nutrition Santé), la consommation d’aliments bio est aujourd’hui recommandée comme facteur bénéfique à la santé.
L’étude Agrican (Agriculture et Cancer, cohorte de 180 000 personnes suivies depuis 2005) portant sur la santé des professionnels du secteur agricole a confirmé le lien entre exposition des agriculteurs aux pesticides et cancer, dont certains aujourd’hui reconnus comme maladies professionnelles (prostate et lymphomes non hodgkiniens). 


Le bio a donc le vent en poupe, c’est une bonne nouvelle. Cependant il faut rester vigilant dans un monde ou l’appât du gain attire les convoitises et où le bio est aujourd’hui identifié comme un « marché de niche » par les industriels. En effet, les grandes enseignes de l’agro-alimentaire et de 
la distribution tentent de « surfer » sur la vague du bio en mettant en avant des prix plus bas que leurs « petits concurrents ». L’analyse des produits réalisée par « 60 Millions » met en exergue que certains produits transformés bio industriels pourraient être d’une qualité inférieure à leur
équivalent en conventionnel. En effet, ici les « astuces » industrielles habituelles seront exploitées pour réduire le coût de production et maintenir une bonne marge (voire la faire s’envoler !) comme la réduction de la proportion de matière noble dans une recette, la diminution de la taille de la portion, l’utilisation d’additifs supplémentaires, l’utilisation de nombreux ingrédients d’origine hors France achetés à moindre prix sur un marché à taille industrielle… Ainsi, le label bio ne dispense PAS de la lecture des étiquettes pour vérifier la composition, les ingrédients, la valeur nutritionnelle, l’origine géographique des ingrédients (qui elle n’est malheureusement pas disponible pour l’ensemble des ingrédients d’un produit transformé comme autorisé par la réglementation).


L’appât du gain toujours, certains scandales sanitaires ont fait surface récemment concernant également des produits certifiés bio victimes de fraudes commerciales et industrielles massives tel que l’affaire du Fipronil dans les œufs ou l’oxyde d’éthylène dans le sésame (pour lequel des rappels de produits sont encore en cours, dont la liste est à consulter sur le site de le DGCCRF). Malheureusement, le bio non plus n’échappe pas toujours à la malveillance ni à la tricherie.


Enfin, des contaminations non intentionnelles sont possibles, des traces infimes de métaux lourds, de pesticides interdits ont pu être retrouvées en lien avec la pollution environnementale globale le plus souvent, mais dans une bien moindre mesure que dans l’agriculture conventionnelle dans tous les cas.


Pour conclure, plusieurs points à retenir de cette analyse :


– Il faut rassurer les sceptiques, le « bio chinois » est un fantasme, la grande majorité des produits bio vendus en France provient de France ou d’Europe.
– Le cahier des charges bio n’est pas toujours gage de perfection absolue de la qualité nutritionnelle, en particulier pour les aliments transformés et ultra-transformés. Il faut donc continuer à décrypter les étiquettes, mieux encore : limiter les aliments ultra-transformés dont il est plus complexe d’analyser rapidement le niveau de qualité global.
– Les preuves des bénéfices santé émergent grâce à des études récentes.
– L’autre bénéfice santé, non des moindres, réside dans le moindre impact global de l’agriculture biologique sur la pollution environnementale car moins de produits phytosanitaires déversés dans l’environnement sont autant de molécules toxiques que nous, comme les animaux sauvages et d’élevage, n’ingérerons pas dans l’eau potable et les aliments. Ce qui contribuera à la sauvegarde de la biodiversité, gage de notre propre santé.

Corinne Mairie, diététicienne nutritionniste 

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