Les brèves de l'ASEF du 7 mars 2019

Bonjour à toutes et à tous,

Au menu de ces brèves : après la fermeture du salon de l’agriculture, nous ferons le point sur l’agriculture bio, l’alimentation bio et les aliments ultra-transformés et nous finirons par un petit verre de vin bio (à consommer avec modération bien-sûr !) Bonne lecture !

Bio et aliments ultra-tranformés. Economie et santé. Par le Dr Lefèvre.

La production agricole et l’alimentation biologiques augmentent régulièrement en France : augmentation du nombre d’exploitations bio en France de 5% en 2013-2014, de 103% de 2005 à 2014 (IFOAM Bio en Europe) [1] ; ceci en raison d’une sensibilisation croissante du public à la qualité de son alimentation.

De même apparaissent des doutes sur la qualité de l’alimentation transformée fournie par l’industrie agro-alimentaire, doutes majorés par les scandales récents comme de la viande de cheval à la place de viande de bœuf dans des raviolis.

De plus, les impératifs de rentabilité dans une économie ultra-libérale ont tendance à favoriser des cultures et des élevages de taille de plus en plus importante, y compris dans le bio, ce qui amène à des pressions, des orientations vers une baisse des normes.

Nous devons donc rester vigilants, ce qui explique le sujet de cette brève.

Quelques définitions :

  • Le « bio » : Aliments obtenus sans produit fertilisant ou pesticide synthétique, sans OGM pour les végétaux, avec une alimentation bio et dans des conditions d’élevage strictes définies par la loi pour les animaux (Règlement CEE du 28 juin 2007) [2].
  • Le  degré de transformation des aliments : Défini par la classification internationale NOVA :
  • Classe 1 : Aliments peu ou pas transformés
  • Classe 2 : Ingrédients culinaires
  • Classe 3 Aliments tranformés
  • Classe 4 : Aliments ultra-tranformés : formulations industrielles réalisées à partir de 5 ingrédients ou plus dont des additifs.

Voici le détail de cette classification :

GROUPE 1 : Les aliments bruts ou peu transformés
Traitements technologiques Aliments représentatifs
  • Nettoyage  et élimination des fractions non comestibles
  • Lavage
  • Filtrage
  • Vannage
  • Tamisage
  • Dépeçage, découpage et désossage
  • Mise en portions
  • Mise en filet
  • Mise en bouteille, récipient ou container
  • Râpage
  • Pelage
  • Décorticage
  • Broyage
  • Floconnage des grains
  • Séchage
  • Réfrigération
  • Refroidissement
  • Congélation
  • Pasteurisation
  • Stérilisation
  • Cuisson à l’eau bouillante
  • Réduction de matières grasses et écrémage
  • Emballage simple, sous vide ou en présence de gaz
  • Pressage
  • Maltage (addition d’eau) et fermentation (addition de micro-organismes vivants) sans production d’alcool
  • Viandes rouges, volailles, poissons et fruits de mer, entiers ou sous forme de steak, filets et autres morceaux ; frais, séchés, refroidis ou congelés
  • Œufs
  • Laits entier, demi-écrémé et écrémé frais, pasteurisés ou en poudre
  • Laits fermentés comme le yaourt nature sans sucre ou édulcorant ajouté
  • Céréales entières (e.g grain de blé cuit, grain de maïs doux sur épi ou non, riz brun) ou polies incluant tous les types de riz (riz blanc, précuit)
  • Graines de légumineuses (lentilles, haricots et pois de tous types)
  • Pâtes alimentaires, couscous et polenta faits de farine, flocons ou gruaux et d’eau
  • Farines, flocons ou gruaux de maïs, blé, avoine ou manioc
  • Fruits frais, refroidis, congelés, comprimés, emballés sous vide ou séchés
  • Jus de fruits ou légumes frais ou pasteurisés non reconstitués et sans sucres, édulcorants ou arômes ajoutés
  • Légumes feuille ou racine frais, congelés, comprimés, emballés sous vide ou séchés
  • Racines et tubercules amylacés entiers, pelés ou emballés (e.g pommes de terre et manioc)
  • Champignons frais ou secs
  • Fruits à coque et autres graines oléagineuses sans sucre ou sel ajouté
  • Epices (e.g poivre, clous de girofle, cannelle…)
  • Herbes fraîches ou séchées (e.g thym, menthe…)
  • Infusions à partir d’herbes
  • Thé
  • Café
  • Eau du robinet, de source, filtrée ou minérale
GROUPE 2 : Les ingrédients culinaires
Traitements technologiques Aliments représentatifs
·         Raffinage

·         Broyage

·         Pressage

·         Moutures

·         Mise en poudre

·         Hydrolyse

·         Huiles végétales

·         Graisses animales

·         Sucres et sirops (e.g miel, sirop d’érable…)

·         Amidons

·         Vinaigres

·         Sels

·         Agents stabilisants

·         Agents purifiants

·         Autres additifs

GROUPE 3 : Les aliments transformés
Traitements technologiques Aliments représentatifs
·         Cuissons (autres qu’à l’eau bouillante)

·         Séchage

·         Fumage

·         Fermentations (alcooliques, pains et fromages)

·         Mise en conserve, en bouteille ou en bocal avec de l’huile, du sucre, du sirop ou du sel

·         Autres méthodes de conservation comme le salage, le marinage, le fumage ou l’épiçage

 

·         Légumes et légumineuses mises en conserve ou bouteille préservés dans une saumure

·         Fruits pelés ou tranchés préservés dans du sirop

·         Viandes et poissons transformés mais non reconstitués tels que le jambon artisanal, le bacon et le poisson fumé

·         Poissons entiers ou en morceaux conservés dans de l’huile

·         Fromages

·         Pains

·         Graines (dont fruits à coques) salées

·         Frites

GROUPE 4 : Les aliments ultra transformés
Traitements technologiques Aliments représentatifs
·         Recombinaison, reconstitution et formulation à partir d’ingrédients, notamment ceux du groupe 2 (huiles et matières grasses, amidons et sucres)

·         Ajout en grand nombre de stabilisants, solvants, liants, conservateurs, épaississants, émulsifiants, édulcorants, exhausteurs de goût, colorants… (additifs ou agents technologiques)

·         Ajout d’eau et/ou d’air pour augmenter le volume

·         Ajout de micronutriments

·         Hydrogénation

·         Hydrolyse

·         Cuisson-extrusion

·         Mise en forme et remodelage

·         Prétraitements par friture ou cuisson

·         Margarines et pâtes à tartiner

·         Saucisses et charcuteries

·         Hamburgers et hot-dogs

·         Extraits de poulet et autres viandes (morceaux utilisés pour les nuggets par exemple)

·         Produits à base de viandes reconstitués

·         Nuggets et bâtonnets de poulet ou de poisson

·         Laits concentrés

·         Yaourts aux fruits

·         Desserts préparés

·         Biscuits

·         Gâteaux, cakes, biscuits, viennoiseries et pâtisseries

·         Pain de mie, brioche et pains emballés

·         Conserves de confitures

·         Céréales du petit déjeuner

·         Bonbons

·         Barres énergétiques et céréalières

·         Nectars de fruits

·         Café instantané

·         Bières et vins sans alcool

·         Snacks sucrés, salés et/ou gras

·         Glaces

·         Chocolats

·         Soupes, nouilles, et desserts instantanés emballés en poudre

·         Boissons laitières

·         Boissons fruitées

·         Boissons gazeuses, sucrées ou énergétiques (e.g les sodas)

·         Boissons chocolatées

·         Sauces instantanées

·         Plats cuisinés industriels

·         Laits et formules infantiles

·         Produits prêts à chauffer incluant tartes, pizzas et plats de pâtes pré-préparés

·         Produits préparés pour bébé

·         Produits amaigrissants tels que repas en poudre ou fortifiés, et substituts de repas

·         Extraits de levures

Source : « Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai », Anthony Fardet, Thierry Souccar éditions

Alimentation et santé :

Outre la qualité nutritionnelle des aliments qui ne rentre pas dans notre discussion, cette qualité « bio » et ce degré de transformation semblent avoir leur importance :

  • En 2017, Axel Mie et col dans la revue Environmental Health [3] soulignaient les bénéfices sur la santé que l’on pouvait attendre d’une production et d’une alimentation bio, y compris, pour la viande, pour la prévention d’une antibiorésistance.
  • En octobre 2018, l’étude de la cohorte Nutrinet-Santé comportant près de 69 000 patients montrait une relation inverse entre la fréquence de consommation bio et le risque de cancer, en particulier du sein et lymphome (J.Baudry et col JAMA) [4].
  • De même l’étude de cette cohorte Nutrinet-Santé montrait qu’une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultra-transformés était associée à une augmentation de 10% ou plus de risque de cancer, en particulier du sein (BMJ février 2018) [5].
  • Elle montrait aussi (JAMA février 2019) [6] une association significative entre la proportion d’aliments ultra-tranformés dans l’alimentation et la mortalité toutes causes confondues.

On notera enfin que l’étude de cette cohorte avait déjà montré (American Journal of Gastroenterology juin 2018) [7] le lien entre les produits industriels et des troubles digestifs, notamment le côlon irritable.

Economie et alimentation saine :

Conséquence de cet engouement du public pour la nourriture Bio, l’agriculture bio se développe rapidement : croissance attendue des surfaces bio et en conversion de 2017 à 2019 selon l’Agence Bio.

Mais elle ne suffit pas, et cette filière, sous l’influence de cette demande croissante et des lobbies à la fois industriels et de la grande distribution, est menacée :

  • Augmentation des importations : la part de l’alimentation Bio importée est passée en juin 2017 de 29% à 31% en un an (Agence Bio) [8].
  • Augmentation de la part de la grande distribution dans les ventes : 43% en 2017 d’un total de 8.3 milliards d’euros. Or la grande distribution a tendance à favoriser ces importations d’autres pays européens ou extra-européens aux prix bas et aux normes parfois plus élastiques.
  • Risque d’industrialisation sous la pression des géants de l’industrie agro-alimentaire avec leurs relais dans les instances européennes de Bruxelles (Le Monde 22.02.2019). Un exemple en est les pressions pour pouvoir augmenter la taille des élevages.

Ces facteurs doivent nous faire rester vigilants en particulier quand on voit ce qui se passe en Allemagne (Le Monde 23/03/2014) où, chaque année, malgré la tendance à l’augmentation du nombre de conversion vers le bio, 5 % des exploitants bio retournent à l’agriculture conventionnelle ; ceci sous la pression d’importations en provenance de pays où les coûts de production sont moins élevés.

Compte tenu du fait qu’il a bien été démontré que le bio est toujours préférable au conventionnel par son absence (ou sa pauvreté) en pesticides, il reste indispensable de garder ses valeurs de circuits courts et d’agriculture et d’alimentation éthiques.

Sur le plan politique, il semble de même justifié, voir nécessaire, de ré-orienter, comme le propose Marc Dufumier, agroéconomiste, professeur honoraire à AgroParis-Tech (France Culture La Méthode Scientifique 27.02.2019) les subventions européennes de l’agriculture conventionnelle vers la biologique (7 à 8 milliards d’euros/an). En effet ce sont les citoyens-contribuables qui paieront les effets délétères sur notre santé de la première dans quelques années et qui bénéficieront des effets bénéfiques sur la santé, le CO2 et le réchauffement climatique de la seconde.

En bref, dans l’actualité :

Le jeune marché du vin bio se porte bien puisqu’il verra croître son marché de 14 % par an d’ici 2022. Selon les chiffres de l’Agence bio de 2017, 10% du vignoble français est cultivé en bio (dont 22% en conversion) ; ce secteur a ainsi triplé en 10 ans. Patrick Guiraud, président de Sudvinbio, association interprofessionnelle des vins biologiques d’Occitanie, organisatrice du salon Millésime Bio a malgré tout exprimé que la « difficulté maintenant, c’est d’augmenter notre production pour faire face à la demande ». Aussi, fin novembre 2018, un nuage est venu assombrir ces résultats encourageants : la Commission européenne a opté pour une limitation des doses de cuivre (de 6kg /an/hectare, l’UE a réduit à 4kg/an/hectare) , incontournable fongicide du Bio car non synthétique (effets néfastes d’une concentration excessive de cet antifongique sur la croissance et le développement de la plupart des plantes, sur les communautés microbiennes et la faune des sols, pointés début 2018 par un avis de l’autorité européenne de sécurité sanitaire (Efsa)). Ou serait-ce, selon Patrick Guiraud « avant tout un problème politique et de lobbying, plutôt qu’un problème technique» ? Ne vaudrait-il pas mieux que la commission européenne souligne le caractère qui doit rester exceptionnel, de ces augmentations de doses de cuivre ?

Même si dans la majorité des cas, les viticulteurs Bio utilisent moins de 4 kg annuels de cuivre par hectare, ces nouvelles règles les inquiètent car ils devraient recourir à la chimie de synthèse, ce qui leur fera perdre leur label bio. Il faut aussi rappeler que 90% des viticulteurs conventionnels utilisent aussi le cuivre, d’après le directeur de l’agence Bio. L’agriculture Bio ne peut donc pas être la seule pointée du doigt. Des alternatives au cuivre sont actuellement à l’étude.

Avant de clore ces brèves, nous vous rappelons que l’ASEF soutient l’Appel des Coquelicots qui demande l’interdiction de tous les pesticides de synthèse et vous invitons à signer et à diffuser l’appel autour de vous : https://nousvoulonsdescoquelicots.org/l-appel/

Petit point agenda :

  • Le 12/03: Dr Pfister (endocrinologue, membre de l’ASEF) et Dr Lefèvre (cardiologue et porte-parole de l’ASEF) interviendront à la faculté de médecine de la Timone, à Marseille, dans le cadre du Certificat d’Etudes Universitaires, sur le thème des cosmétiques.
  • Le 19/03: Dr Lhernould sensibilisera les étudiants du lycée professionnel Fernand Léger à Bedarieux (34), sur les ondes électro-magnétiques.
  • Le 21/03 : Dr Souvet (cardiologue, président de l’ASEF) se rendra à la réunion du Groupe Santé Environnement au Ministère de la transition écologique et solidaire à Paris, consacrée au 4ème plan Nationale Santé Environnement ; il interviendra également lors de la conférence sur la prévention de l’exposition aux perturbateurs endocriniens à la maternité de Sarcelles (95) aux côtés de « Primum non nocere », agence experte en stratégie RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), RSO (Responsabilité Sociétale des Organisations) et plus globalement de développement durable.
  • Le 22/3: Dr Lefèvre assistera, à Marseille, à la conférence-débat « perturbateurs endocriniens et cancer : de nouveaux facteurs de risque » donnée par Patrick Fénichel, Professeur d’Université Endocrinologue-Gynécologue au CHU de Nice, organisée par Mme Martine Vassal, Présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, Mr  Dominique Nobile, Délégué régional de l’Inserm PACA et Corse et Mr Gilles Nalbone, Réseau Environnement Santé et Directeur de recherche émérite Inserm.

Nous vous donnons rendez-vous le 21 mars 2019 pour les prochaines brèves, 

D’ici là portez-vous bien

Le Club des 10 de l’ASEF