15 avril 2019

Le point sur les additifs alimentaires - la synthèse de Corinne Mairie, diététicienne

Les additifs: pas si novices!

L’introduction des additifs alimentaires dans nos assiettes ne date pas d’hier. Aux siècles passés l’objectif initial était essentiellement la pérennisation des aliments par l’utilisation de procédés de conservation. Au début du siècle dernier des techniques plus ou moins douteuses avaient cours sans qu’aucune réglementation ne supervise ces pratiques. C’est à partir de la fin de la deuxième guerre mondiale que leur utilisation s’est fortement accrue dans l’industrie agroalimentaire notamment grâce au développement de la chimie de synthèse et des technologies de transformation des aliments (fractionnement, recombinaison, purification, cracking, cuisson-extrusion …) ayant conduit à la généralisation de l’usage d’additifs alimentaires. Dans les années 50, une réglementation fût mise en place par l’OMS au regard des problèmes de santé publique engendrés par l’usage abondant de ces substances chimiques.

Un risque « admissible »

Actuellement, une liste d’additifs alimentaires autorisés dans l’Union Européenne répertorie les substances ayant obtenu une validation en rapport avec des études de toxicité et l’attribution d’une DJA (Dose Journalière Admissible exprimée en mg de produit/kg de poids corporel/jour). Partant du constat que les substances chimiques sont potentiellement nocives pour la santé, ces doses admissibles correspondent à un « risque admissible », c’est-à-dire un niveau « acceptable » de toxicité selon les instances internationales, considérant que le risque 0 n’existe pas et qu’un facteur de précaution a été appliqué.

Une DJA est fixée pour une substance étudiée isolément pour ses effets sur des rongeurs. De nouvelles substances sont continuellement ajoutées à cette liste d’additifs autorisés en rapport avec les avancées technologiques proposées par l’industrie agroalimentaire qui ne tarie pas d’inventions lui permettant le lancement de nouveaux produits toujours plus attractifs sur le plan organoleptique et cosmétique en particulier, ou bien retirées si des études ont pu nouvellement démontrer leur toxicité ou un risque potentiel. Il faut donc comprendre que la validation d’un additif alimentaire n’est pas toujours gage d’une absence de toxicité. Par ailleurs les paramètres de validation tiennent compte uniquement d’une toxicité par rapport à la dose, principe basé sur le célèbre paradigme de Paracelse, chimiste du 16ème siècle…

Le cas des nanoparticules

Or, l’évolution technologique actuelle permet l’utilisation de produits à des doses infinitésimales, c’est le cas des nanoparticules qui permettent l’utilisation de très faibles doses de substances, pour lesquelles des études de plus en plus nombreuses démontrent la dangerosité en particulier liée à leur petite taille leur permettant de léser ou franchir la barrière intestinale, pénétrer et s’accumuler dans différents tissus où elles peuvent avoir un effet toxique sur la rate et le foie notamment, le système immunitaire, le système endocrinien et reproducteur également.

C’est ainsi le cas du dioxyde de titane, E171, utilisé dans la fabrication de nombreuses friandises (bonbons, chewing gums) leur conférant un aspect blanc brillant, pour lequel les dernières analyses de l’EFSA, instance européenne de la sécurité des aliments, n’avaient pas conclu à une quelconque toxicité. L’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) a pourtant tiré la sonnette d’alarme dès 2017 suite à des travaux ayant démontré les dangers du E171 sur la santé. Cependant, grâce aux actions menées par plusieurs associations de consommateurs et environnementales, la suspension de son utilisation dans les aliments en France a été obtenue et incluse dans la loi agriculture et alimentation signée fin octobre 2018 et devrait prendre effet dans les prochains jours. En revanche, elle ne concernera malheureusement pas pour le moment les médicaments et les produits cosmétiques (présence dans 2/3 des dentifrices).

Additifs et effets cocktails

Un autre paramètre de toxicité des additifs existe et n’est pas évalué, car impossible de l’être, il s’agit de l’effet cocktail. Aux vues du nombre d’additifs utilisés et des combinaisons possibles, il est impensable d’évaluer les interactions entre différentes substances. Or quelques études ont pu démontrer un effet potentialisateur d’un produit associé à un autre, comme par exemple parmi les antioxydants:

« lorsque BHA (E320) et BHT (E321) se trouvent associés, le BHA augmente la toxicité pulmonaire du BHT (étude chez la souris); en présence du colorant bleu brillant (E133), la toxicité du glutamate (E 621) est exacerbée; en présence de nitrites et des nitrates (E249 à E252), les sorbates (conservateurs E200 à E203) perturbent le système enzymatique et peuvent aboutir à la formation de substances qui risquent d’altérer l’ADN cellulaire (mutagènes). » indique A.L. Denans, pharmacienne diplômée en nutrition dans son dernier guide des additifs [1].

Il apparaît donc inenvisageable d’analyser les interactions possibles parmi les innombrables combinaisons possibles entre les 338 additifs alimentaires autorisés dans l’Union Européenne (parmi lesquels 51 le sont également en bio, essentiellement des produits d’origine naturelle ou agricole).

Des produits dangereux pour nos enfants

De nombreuses études ont pu démontrer l’impact des additifs sur le comportement des enfants, souvent grands consommateurs de produits alimentaires en contenant une variété et une quantité importante, notamment sur l’apparition des TDAH (Troubles du déficit de l’attention et de l’hyperactivité), confirmé dans un article paru dans le « Lancet » en 2007 sur les effets de colorants et conservateurs alimentaires (benzoates). Il semble donc urgent de réagir face au risque multiple et complexe que fait courir l’omniprésence des additifs dans l’alimentation qui malheureusement impacte souvent davantage les catégories de population les plus fragiles. 

Pour conclure

Les pouvoirs publics doivent prendre le problème en main efficacement pour éliminer les substances à risque, informer les consommateurs pour leur permettre de faire des choix éclairés et imposer aux industriels l’application des règlements existants concernant la traçabilité et le signalement de la présence de ces substances sur les emballages, notamment en ce qui concerne la présence de nanoparticules qui fait défaut malheureusement. Il est d’ailleurs à déplorer que le « Nutriscore » récemment mis en place pour les industriels volontaires, outil officiel d’évaluation de la qualité des aliments, ne tienne pas compte de la présence d’additifs dans ses paramètres, alors que les applications privées comme « Yuka » ou « Open Food Facts » intègrent ce paramètre dans leur score de qualité. Essayez donc d’éviter au maximum les produits contenant des additifs.

Bibliographie

[1] « Le nouveau guide des additifs», Anne-Laure Denans, Editions Thierry Souccar, Larousse, Mars 2017.

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