TRIBUNE: NON AUX VIRUCIDES TOXIQUES

Alors que le guide ministériel pour le « plan d’action du déconfinement pour les modes d’accueil du jeune enfant » est paru, notre collectif de professionnels  de la santé environnementale et de l’accueil du jeune enfant * alerte sur ses recommandations dont certaines se révèlent extrêmement risquées pour la santé des professionnel.le.s et des enfants, et pour l’environnement.

Non aux virucides de la norme EN 14478

 

Pour les lieux d’accueil du jeune enfant, le nettoyage et la désinfection avec un virucide répondant à la norme EN 14476 est requis au moins une fois par jour selon les recommandations du guide ministériel.
Or, la très grande majorité des formulations du marché répondant à cette norme contiennent des ingrédients toxiques :
•    Nocifs pour la peau ou les voies respiratoires (eau de Javel) [1],
•    Potentiellement cancérigènes, mutagènes,
•    Agissant comme des perturbateurs endocriniens,
•    Favorisant l’obésité chez le jeune enfant [2] .
Ce n’est d’ailleurs pas anodin que les fiches de données de sécurité de ces produits du marché indiquent qu’ils doivent être utilisés avec un équipement spécial (gants, lunettes de sécurité, combinaison de protection…), ce qui est incompatible avec l’accueil du jeune enfant, et qu’ils doivent être utilisés hors de la présence des enfants. Mais leur utilisation dans la pièce voisine ou une heure avant la présence des enfants ne réduit que peu le risque de pollution pour les enfants. Nous avons d’ailleurs de nombreux témoignages d’enfants qui toussent lors du nettoyage de la pièce voisine.

Egalement, les produits dits « biocides » (littéralement, « qui tuent la vie ») que sont les produits de désinfection favorisent l’apparition de bactéries antibiorésistantes qui sont vitales pour notre équilibre et immunité [3]. Le « Protocole National de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés » met justement en garde : « Les opérations de désinfections ne doivent être réalisées que lorsque strictement nécessaires (l’usage répétitif du désinfectant peut créer des micro-organismes résistants au désinfectant ; un désinfectant mal employé tue les micro-organismes les plus sensibles mais permet la survie des micro-organismes les plus résistants, le désinfectant n’ayant plus aucun effet et procurant alors un faux sentiment de sécurité ; en outre une désinfection inutile constitue une opération de travail à risque pour les travailleurs (exposition aux produits chimiques, TMS..). »
Enfin, l’efficacité virucide des produits du marché requière un temps de pause minimum d’1 minute qui est rarement respecté, leur efficacité sera atténuée mais pas leur toxicité…

Oui aux alternatives virucides saines

Pour lutter contre le virus sans créer de nouveaux problèmes de santé, il existe des alternatives saines pour l’humain comme pour l’environnement et qu’il est urgent d’indiquer aux professionnel.le.s. Sauf qu’il existe peu de produits désinfectants éco responsables qui répondent à la norme EN 14476 (la plupart parce qu’ils n’ont pas réalisé les tests laboratoires nécessaires).
C’est pourquoi nous demandons au Ministère de la santé de retirer la recommandation d’utiliser uniquement des produits répondant à cette norme, en appelant plutôt à se tourner vers les alternatives saines et durables suivantes, ayant fait leurs preuves d’efficacité et étant d’ailleurs déjà recommandées par des institutions nationales telles que le Ministère du Travail, l’INRS ou la Société Française d’Hygiène Hospitalière.

Le traitement par les détergents
Traitement recommandé par le Ministère du Travail aux entreprises dans le « Protocole National de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés » : « pour nettoyer les surfaces, il conviendra d’utiliser des produits contenant un tensioactif (solubilisant les lipides) présent dans les savons, les dégraissants, les détergents et les détachants. Outre son activité de dégraissage des surfaces, le tensioactif va également dégrader les lipides de l’enveloppe du virus SRAS-CoV-2 et ainsi l’inactiver» [4].
L’Institut National pour la Recherche et la Santé recommande également aux entreprises de continuer à utiliser leurs produits de nettoyages habituels « puisque le SARS-CoV-2 est entouré d’une enveloppe de lipides facilement dégradés par les tensioactifs contenus dans les savons, les dégraissants, les détergents et les détachants» [5]. Les virus de type Covid 19 sont en effet extrêmement sensibles aux détergents (qui n’ont pourtant pas l’étiquetage virucide selon la norme) selon, entre autres travaux de recherche, une étude du Centre for Health Protection de Hong Kong [6].

Le traitement par vapeur
Les virus, y compris le COVID-19, sont très sensibles à la vapeur. C’est pour cela que la Société française d’Hygiène Hospitalière recommande au milieu hospitalier d’utiliser un produit détergent/désinfectant virucide ou « toute autre stratégie efficace sur les virus enveloppés (ex. vapeur, etc.)» [7]. L’étude menée par la Fondation pour le Développement de la Recherche Pharmaceutique confirme d’ailleurs bien l’efficacité virucide [8] des appareils vapeur déjà présents dans beaucoup de lieux d’accueil de la petite enfance.

Nous insistons également sur le fait que ces pratiques tout à fait efficaces contre le COVID-19 et plus respectueuses de la santé globale des enfants, des professionnels et de l’environnement seront sans doute plus soutenables pour les professionnels donc mieux respectées.
La situation est grave et urgente : à la lecture des recommandations ministérielles et par souci de bien faire, des milliers de professionnel.le.s vont mettre en péril leur santé et celle des enfants par l’usage de produits virucides extrêmement toxiques. Il est donc urgent que le Ministère rétablisse la situation en modifiant la recommandation d’usage de virucides répondant à la norme EN 14476 – pour ne pas commettre l’erreur de soigner le mal par un autre mal et de nettoyer en s’intoxiquant soi, les autres, et l’environnement.

Collectif composé de :

Label Vie – Claire Grolleau Eco toxicologue ;

ASEF (Association Santé Environnement France) – Dr Pierre Souvet (Président) et   Dr Carenco Médecin Hygiéniste CH Hyères ;

RES (Reseau Environnement et Santé) – André Cicollela  – Chimiste et Toxicologue Président du RES

Acepp – Philippe Dupuy ;

Ufnafaam – Sandra Onyszk ;

FNEJE – Valérie Roy.

 

SOURCES

[1] Domestic use of bleach and infections in children : a multicentral crosscultural study », Lidia Casas et al., Occupational and environmental medicin (2015)
[2] « Postnatal exposure to household disinfectants, infant gut microbiota and subsequent risk of overweight in children », Mon H. Tun, et al., CMAJ (2018)
[3]« Assessment of the antibioresistance effects of biocides », Rapport du SCENIHR (2009)
[4]« Protocole National de déconfinement pour les entreprises pour assurer la santé et la sécurité des salariés »
[5] http://www.inrs.fr/actualites/COVID-19-et-entreprises.html
[6]« Survival of Severe Acute Respiratory Syndrom Coronavirus », Lai et al., Clinical Infectious Diseases (2005)
[7]« Recommandations de la SF2H relatives à l’organisation du parcours des patients, à la protection des patients et des personnels àl’heure du déconfinement et de la reprise de l’activité médico-chirurgicale non COVID-19en milieu de soins » (SF2H, 06/05/2020)
[8] « Résultats des tests d’efficacité biocide sur des micro-organismes multi-résistants  »