Santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes- "One Health"- Lettre envoyée aux ministres

Le 7 mai dernier, l’ASEF, Humanité et Biodiversité , FNE et la Fédération des syndicats des vétérinaires de France, avons envoyé une lettre commune à M. Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, à Mme Elisabeth Borne, ministre de la Transition Écologique et Solidaire, et à M. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, au sujet de la nécessaire prise de conscience du concept de « One Health » qui rallie la santé humaine, animale et des écosystèmes, pour préparer les défis sanitaires de demain.

LETTRE ENVOYÉE AUX MINISTRES

 

Monsieur le ministre,

La crise historique que traverse l’humanité conduit à remettre au premier plan les liens étroits entre santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes. « Protéger labiodiversité pour prévenir de nouvelles maladies infectieuses émergentes » : ce titre placé à la Une du site internet de l’INRAE, au moment où nous vous adressons ce courrier, témoigne de la prise en compte de l’importance des liens entre santé et biodiversité.

L’approche globale des enjeux de santé est au cœur du concept « One Health, Une seule santé », porté par la France au niveau international, dans le prolongement de la collaboration entre la FAO, l’OIE et l’OMS pour préparer les défis sanitaires de demain.Votre ministère est engagé dans la voie de l’agroécologie, dont le principe est de développer des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. A titre d’exemple, chacun souligne le succès du plan Écoantibio, grâce notamment à la mobilisation des vétérinaires et à l’engagement des éleveurs.

Nous avons noté avec une grande satisfaction votre appel à « agir pour la préservation des habitats naturels, la biodiversité, et en luttant activement contre la déforestation » dans le cadre de la session extraordinaire des ministres de l’agriculture du G20, le 21 avril dernier. Mais, nous le savons tous, l’organisation de la transition vers des systèmes de production agricole respectueux de la santé, du climat et de la biodiversité se heurte à de nombreuses difficultés. Cette transition implique en effet de résister à la facilité de solutions de court terme, basées sur des modèles intensifs spécialisés fortement utilisateurs d’énergies fossiles et de produits phytosanitaires, qui ne prennent pas suffisamment en compte les impacts négatifs sur la santé et l’environnement.

La crise du Covid-19 révèle par ailleurs une augmentation très importante de la mortalité des patients souffrant de maladies chroniques liées à la « malbouffe », rappelant ainsi l’importance de l’alimentation pour la préservation d’un bon état de santé. D’autres données épidémiologiques tendent à montrer que la pollution de l’air par les particules fines, liée notamment à des pratiques agricoles mal maîtrisées, apparaît comme un facteur aggravant les conséquences de la maladie.

L’humanité est à un tournant de son histoire. Beaucoup considèrent que nous traversons un moment de vie ou de mort, non pour la planète, mais pour les générations futures. L’agriculture, parce qu’elle occupe plus de 50 % de notre territoire (et jusqu’à 70 % dans certaines régions), a une responsabilité majeure pour réussir la reconquête de la biodiversité et contribuer à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Des solutions existent pour renforcer l’efficacité des systèmes alimentaires sur les plans sanitaire, social et environnemental, tout en permettant une rémunération digne des agriculteurs, qui sont de plus en plus nombreux à s’engager dans la voie de la transition agroécologique.

Nous pensons que le moment est venu de dépasser les divisions entre des approches administratives séparées, liées à l’histoire et aux dispositifs de formation, eux-mêmes trop cloisonnés. Santé humaine, santé animale et santé des écosystèmes doivent être pensées ensemble, dans le cadre d’une approche globale portée par les différents ministères et corps de métiers.

Les initiatives prises au cours des dernières années par certains établissements d’enseignement supérieur placés sous votre tutelle, comme VetAgro Sup, illustrent le travail réalisé pour contribuer à une approche globale des enjeux de santé : organisation en 2014 d’un colloque avec l’association Humanité et Biodiversité, création en 2016 du pôle Expertise Vétérinaire et Agronomique Animaux Sauvages, mise en place en début d’année du diplôme « One Health en pratiques » par l’ENSV.

Le programme national de l’alimentation et de la nutrition témoigne également de la volonté de votre administration de promouvoir une approche globale de l’alimentation, associant aux enjeux nutritionnels ceux liés à une transition agro-écologique ancrée dans les dynamiques territoriales.

Nous souhaitons que le ministère de l’agriculture et de l’alimentation soit intégré au groupe santé-environnement présidé par madame la députée Toutut-Picard et participe aux instances de pilotage du quatrième plan national santé-environnement (PNSE4). Les travaux conduits par le groupe santé et biodiversité du PNSE3 devraient être poursuivis, en élargissant sa composition et ses missions à l’ensemble des actions conduites dans ce domaine. L’animation de ses travaux pourrait être confiée à des organismes d’expertise (Anses, Office français de la biodiversité…) dans le cadre d‘un collectif de réflexion « One Health ».

Peut-être serait-il pertinent, enfin, de mobiliser une mission d’inspection générale associant l’IGAS, le CGEDD et le CGAAER afin de proposer des actions à conduire pour mieux prendre en compte les liens entre toutes les santés, dans le cadre des plans de relance de l’activité économique qui seront mis en place dès que la crise du Covid-19 le permettra.

Nous avons l’honneur de solliciter la possibilité de vous rencontrer pour échanger avec vous et vous présenter nos propositions visant à bâtir une large concertation entre l’ensemble des acteurs concernés par les politiques de santé humaine, de santé animale et de santé des écosystèmes.

En vous remerciant de votre attention, veuillez agréer, Monsieur le Ministre, nos plus sincères et respectueuses salutations.