Le débrief de l'ASEF du 23 novembre 2017

Bonjour à tous,

L’Association Santé Environnement France met en lumière cette semaine un article paru dans le journal Le Monde sur la synthétisation par deux chercheurs canadiens du virus de la variole équine, à partir de fragments d’ADN commandés sur internet. L’occasion d’aborder le problème de l’industrie génétique et de la sûreté biologique.

Synthétisation de la variole

Yves Sciama dans le journal Le Monde* termine un article en ces termes : « il serait pourtant bon de faire mentir la règle, bien connues des spécialistes du risque industriel, selon laquelle on ne régule sérieusement les activités dangereuses qu’après qu’elles aient causé un accident emblématique ».

Activité dangereuse et environnement, voilà bien le combat de l’ASEF : expliquer, protéger, informer et s’engager pour l’environnement et une santé retrouvée.

Alors, s’agit-il des pesticides et leur cortège de pathologies sans limites connues et à découvrir encore, de cet air chargé de particules fines venues de nos voitures qui se bousculent notamment dans nos coronaires et nos alvéoles ou encore de ces champs électromagnétiques (antennes relais, wifi, compteurs communicants) pénétrant dans nos organisme et nos habitations sans bruit, préparant un futur scandale sanitaire mondial ? Et bien non !  La phrase concluant cette article est : « Car on frémit  à l’idée de ce que pourrait être un « Titanic » de la biologie synthétique ».

Revenons au début de l’histoire : deux chercheurs canadiens ont révélé au mois d’août 2017 avoir réussi à synthétiser le virus disparu de la variole équine à partir de fragments d’ADN commandés sur internet. La tâche leur a pris six mois et a coûté 100 000 dollars.

Autorisez-moi à reprendre 3 éléments :

  • La Variole

Cette maladie infectieuse virale a tué au XXème siècle près de 300 millions de personnes (1/3 des patients infectés), et marqué à vie les survivants défigurés par des cicatrices de centaines de vésicules.

Pour l’anecdote, la vaccination à l’origine consistait à prélever du pus directement des pustules de la variole des vaches et à infecter les hommes avec celui-ci. Et plutôt que de transporter une vache infestée, il était plus simple de se déplacer avec un homme récemment « vacciné » et qui présentait les pustules de la cowpox (vaccine).

L’éradication globale de la variole fut certifiée par une commission d’experts le 9 décembre 1979 et déclarée officiellement par l’OMS le 8 mai 1980. À la suite de ce succès, la vaccination systématique ne fut plus appliquée. Elle n’est employée aujourd’hui que dans les forces armées et les laboratoires. Si la vaccination n’est plus obligatoire en France depuis 1979 et les rappels ne sont plus obligatoires depuis 1984, il existe un Plan national de réponse à une menace de variole (2006) piloté par le ministère de la Santé et le Haut Conseil de la santé publique.

Mais que ferait notre ministère si une épidémie se produisait dans un pays lointain : conserverait-il les doses de vaccins afin de protéger sa population ou l’enverrait-il pour prévenir une extension de la maladie dans le pays concerné ? Voilà bien une question complexe.

  • Fragments d’ADN commandés sur internet

C’est une première pour ce virus grand et complexe. L’expérience donne surtout le mode d’emploi pour recréer assez facilement la souche humaine de la variole, un virus très contagieux et mortel. Toujours cité par le journal Le Monde, le professeur Gregory Koblentz, spécialiste de biosécurité à l’université George-Mason en Virginie, ajoute : « la synthèse du virus éteint de la variole équine, à partir de segments d’ADN issus du commerce sur Internet et livrés par voie postale, doit valoir signal d’alarme ». A l’inverse, le professeur Bruno Strasser, biologiste et historien des sciences, relativise les risques liés au bioterrorisme : « Synthétiser certains virus est devenu assez simple et en quelques clics, on peut trouver tout ce qu’il faut sur internet. Mais pour avoir des visées terroristes, il faut répliquer ces virus en grande quantité et trouver un moyen de les diffuser. C’est nettement plus compliqué que de louer une camionnette ou de construire une bombe. »

  • Un coût de 100 000 dollars

Commander une séquence génétique ou une liste de gène et recevoir par la poste son ADN conditionné, voilà l’enjeu financier de l’industrie des sciences du vivant. L’industrie de l’ADN explose avec des taux de croissance à 2 chiffres. De quoi attirer les investisseurs, malgré une concurrence exacerbée.

Une nouvelle fois sur un nouveau sujet nous voilà à la croisée des chemins. Faut-il tolérer un libéralisme à tout va et du laisser-faire favorisant une économie de l’ADN sans régulation, ni limite ? Ou, comme le propose le Pr Koblentz, demander aux états de s’engager et de décider d’une réglementation sévère et de systèmes d’inspection rigoureux, visant à rendre l’accident quasiment impossible tout en tolérant une concurrence acharnée.

La protection du vivant d’abord, c’est ce que nous demandons aux pouvoirs publics !

*Cahier du monde, N° 22644, daté du mercredi 1er – jeudi 2 novembre 2017

Richard FAITG, anesthésiste et membre de l’ASEF

A jeudi prochain et d’ici là portez-vous bien !

Le Club des 11 de l’ASEF