Le débrief de l'ASEF du 17 mai 2018

Bonjour,

Commençons ce débrief par un petit retour sur nos activités des dernières semaines. Nous avons déjà tous entendu parler de la mise en place des vignettes Crit’Air. Mais qu’en est-il de leur efficacité réelle ? Le 28 avril dernier, notre Président, le Docteur Souvet, signait aux côtés de confrères un appel au gouvernement pour une modification des attributions à la prime de reconversion et à la classification Crit’Air. Les objectifs de cet appel ? La sortie du Diesel et l’amélioration de la qualité de l’air.

Voici leurs recommandations :

– “Exclure les véhicules particuliers et utilitaires diesel dans l’attribution de la prime à la conversion ou de limiter celle-ci aux classes 0 et 1 de Crit’air.

– Déclasser les véhicules particuliers et utilitaires diesel à Crit’air 3, la classe Crit’air 2 les plaçant injustement à égalité avec les véhicules à essence dont la première mise en circulation est jusqu’au 31 décembre 2010.

– Tenir compte des émissions en conditions réelles et non au banc d’essai dont les limites ont été clairement démontrées lors du Dieselgate.”

Et restons sur la thématique de la qualité de l’air puisque le Docteur Souvet s’est rendu dernièrement à Thonon-Les-Bains, ville de nos membres les plus actifs, le Dr Faitg (anesthésiste) et le Dr Cathy Faitg (sage-femme), pour donner un cours sur la qualité de l’air dans la vallée de l’Arve auprès d’étudiants infirmiers. Cette rencontre a suscité un grand intérêt de la part des participants. Toujours sur la question de la qualité de l’air dans la vallée de l’Arve, le Dr Faitg nous fait aujourd’hui un focus sur ses habitants, face à leur avenir.

Le focus du Dr Faitg : “Un collectif de citoyens de la vallée de l’Arve porte plainte contre l’État !”

Alors que l’OMS vient de rappeler que la pollution de l’air était responsable de 7 millions de morts par an et que la commission européenne menace la France de lourdes sanctions financières pour non-respect des seuils européens en polluants, les mesures concrètes et courageuses pour endiguer ce fléau se font toujours attendre et la vallée de l’Arve souffre et s’impatiente.

Jeudi 26 avril : à l’invitation de la société médicale du Chablais, Pierre Souvet, Président de l’ASEF, Jacques VenJean et Frédéric Champly, médecins en vallée de l’Arve  participent à une soirée d’information « santé environnement » portant sur la qualité de l’air dans le Chablais, territoire contigu à celui de la vallée de l’Arve. Une première  pour le territoire, une première pour un partage de l’information entre soignants, une première avec la présence d’un élu en charge de l’environnement de l’agglomération. 30 personnes pour entendre et un débat qui se prolongera tard en soirée, le sujet serait-il brûlant ?

Lundi 30 avril : le Dauphiné libéré publie une information “selon de nouvelles analyses, la poussière qui circule dans l’air sur Passy contient un cocktail invraisemblable de produits chimiques toxiques et polluants.”

Jeudi 3 mai : le journal Libération publie une tribune d’un collectif d’associations et de médecins “comment sortir du diesel” en faisant le constat de l’absence d’efficacité des mesures actuelles pour l’amélioration de la qualité de l’air.

Retour sur la pollution de l’air de la vallée de l’Arve.

Un territoire devenu un symbole national de lutte pour une amélioration de la qualité de l’air. La vallée de l’Arve rassemble plus de 150 000 habitants permanents. La zone est très diversifiée en termes d’occupation des sols, avec un fond de vallée fortement urbanisé et densément peuplé concentrant des axes routiers multiples, 1 autoroute avec accès au tunnel du Mont-Blanc, des activités, commerciales, agricoles et industrielles.

Jusqu’à plus de 10 000 véhicules par jour circulent sur les différents axes, la proximité du tunnel du Mont-Blanc et ses 1,2 million de véhicules légers par an, auxquels il faut ajouter près de 600 000 poids lourds chaque année.

La configuration du relief de la vallée la rend particulièrement vulnérable au phénomène d’inversion de température qui diminue la circulation de l’air en aggravant la pollution des basses couches de l’atmosphère. La qualité de l’air La ville de Passy (à 20 kilomètres environ en aval de Chamonix-Mont-Blanc) est parmi les pires de France.  En situation anticyclonique et d’« inversion atmosphérique », la nappe d’air polluée peut longuement stagner dans la vallée. En raison de son encaissement et du type d’activités humaines qu’elle accueille (urbanisation, industrie et autoroute A40). La vallée est soumise à une pollution de l’air chronique avec en 2013, un seuil de 35 jours (norme française, le seuil de la norme suisse est de 1 jour… par an) de pollution autorisé, dépassé de 58 jours.  

En 2017 était publié un travail de Santé Publique France, plus de 10 ans après des travaux anglo-saxons fait aux USA* et en Australie**, faisait état des mêmes conclusions et confirmait les impacts sanitaires de l’exposition chronique aux particules fines et la mortalité 2012-2013 en vallée de l’Arve. Les principales conclusions retenues étaient :

  • Les concentrations en particules fines observées en hiver contribuent largement à l’exposition chronique. Les actions devraient cibler prioritairement la réduction des sources hivernales, de manière à diminuer à la fois les niveaux de fond et à limiter les épisodes de pollution.
  • La diminution des concentrations annuelles de particules fines (PM2,5) de 30 % dans toutes les communes de la vallée permettrait d’éviter au moins 45 décès par an, soit une baisse de 4 % de la mortalité de la zone d’étude.

Mais comme l’a écrit Santé Publique France, cette évaluation ne reflète qu’une partie des impacts de la pollution de l’air sur la santé.

Plus clairement peut-on dire que l’on ne trouve que ce que l’on cherche ? Peut-on se satisfaire d’un travail certes de qualité montrant les enjeux du chauffage au bois dans la vallée ?

Alors que d’autres*** révèlent la présence d’un cocktail de contaminants chimiques organiques et inorganiques : cancérigènes, mutagènes, perturbateurs endocriniens, métaux lourds dont l’investigation révèle qu’il est transporté par les poussières aéroportées (respirables et inhalables) présentes dans l’air de la vallée de l’Arve, s’avère d’une telle complexité que les effets sanitaires sur la population locale demeurent totalement imprévisibles dans l’état actuel des connaissances toxicologiques et épidémiologiques.

Ces investigations apportent la preuve scientifique que les contaminants chimiques organiques et inorganiques présents sur et dans les poussières aéroportées ne résultent pas d’une pollution diffuse éventuellement induite par l’utilisation d’appareils individuels de chauffage au bois, mais proviennent essentiellement des activités industrielles et de la circulation automobile et autoroutière locales.

Rappelons enfin qu’il n’existe pas de concentrations en-deçà de laquelle la pollution de l’air n’aurait pas d’effet !

Les habitants de la vallée de l’Arve ont choisi de prendre la parole et de dénoncer l’absence d’engagement face à une pollution routière et industrielle sans limite.

Nous continuerons de répéter que la santé n’est pas négociable. Nous soignants, engagés dans l’ASEF n’avons-nous pas cette obligation de supporter, de soutenir nos amis engagés dans cette démarche quelque soit notre lieu d’habitation ? Défendre le vivant, c’est un beau combat  pour l’ASEF.

Sources

*Noonan CW, Ward TJ, Navidi W, Sheppard L. A rural community intervention targeting biomass combustion sources: effects on air quality and reporting of children’s respiratory outcomes. Occupational and Environmental Medicine. 2012;69(5):354.

**Johnston FH, Hanigan IC, Henderson SB, Morgan GG. Evaluation of interventions to reduce air pollution from biomass smoke on mortality in Launceston, Australia: retrospective analysis of daily mortality, 1994-2007. BMJ : British Medical Journal. 2013;346.

***Analytika, RAPPORT N° 180116 Investigations systématiques GC/MS et ICP/MS d’un échantillon de poussières aéroportées

A jeudi 31 mai prochain, et d’ici-là, portez-vous bien !

Le club des 11 de l’ASEF