Fatigue invisible : quand nos cerveaux sécrètent du stress numérique

Pourquoi la surcharge informationnelle des nouveaux médias épuise nos systèmes de régulation profonde (et comment y remédier) ?

Nous vivons une époque de surabondance cognitive. Chaque jour, notre cerveau traite des milliers de signaux : messages, notifications, images, sons, opinions. Cette stimulation permanente, même sans danger physique, n’est pas sans conséquence. Car au cœur de notre cerveau, des systèmes de régulation anciens, profonds, silencieux, œuvrent à maintenir un équilibre fragile. Lorsqu’ils sont dépassés, c’est toute notre capacité d’adaptation qui se dérègle. Bienvenue dans l’âge du stress informationnel.

Deux centres vitaux, deux logiques de régulation

Notre glande surrénale, perchée au sommet des reins, possède deux zones très différentes : la médullosurrénale, qui déclenche une alerte rapide (adrénaline), et la corticosurrénale, qui sécrète le cortisol, modulateur lent de notre adaptation au stress. Cette architecture a son miroir dans le cerveau.

Des structures comme l’hypothalamus, les astrocytes (cellules gliales), les réseaux à neurostéroïdes (alloprégnanolone, DHEA) ou endocannabinoïdes, agissent comme une « corticosurrénale intracérébrale ». Leur rôle ? Moduler durablement l’état interne du cerveau, réguler les seuils de réactivité, favoriser la résilience.

Fatigue adaptative : quand le modulateur devient rigide

Ces systèmes profonds ne sont pas infinis. Face à une stimulation chronique, ils s’adaptent d’abord (plasticité), puis s’épuisent (fatigabilité). La production de cortisol se dérègle. Le tonus vagal diminue. Les neurostéroïdes s’effondrent. La glie se rigidifie, libère des signaux inflammatoires. Le système endocannabinoïde perd en efficacité.

Résultat : un cerveau moins capable de faire le tri, de se reposer, d’oublier. Moins résilient, plus réactif, voire hypersensible. C’est le syndrome du stress silencieux.

Les médias numériques : un déclencheur insidieux

Les nouveaux médias produisent une charge informationnelle constante : fragments non liés, souvent émotionnels, sans repos ni hiérarchisation. Ils court-circuitent les cycles naturels d’alternance entre tension et relâchement.

Le cerveau sursollicité ne dort plus comme avant, ne désactive plus correctement son mode « alerte ». Les structures profondes de régulation n’ont plus le temps de se recalibrer. Ce n’est pas l’information en soi qui fatigue, mais l’absence de rythme et d’intégration.

 Réhabiliter les modulations lentes

Bonne nouvelle : ces systèmes sont réversibles. Il est possible de les restaurer en réintroduisant des rythmes, de la lenteur, du repos sensoriel.

Quelques leviers puissants :

  • Respiration lente et profonde (cohérence cardiaque)
  • Activités déconnectées

Article signé Didier Cugy, membre de l’ASEF, médecin généraliste et spécialiste du sommeil. 

à lire aussi...