Le débrief de l'ASEF du 26 avril 2018

Bonjour,

Commençons ce débrief par un point sur nos activités hebdomadaires. Cette semaine, notre Président, le Docteur Souvet, va se rendre à Thonon-les-bains, ville de nos membres les plus actifs, le Dr Faitg (anesthésiste) et le Dr Cathy Faitg (sage-femme), pour donner un cours sur la qualité de l’air à l’amphithéâtre de l’école d’infirmiers. Les Dr Venjean et Champly (généralistes), autres intervenants, parleront de la qualité de l’air dans le Chablais et dans la vallée de l’Arve. Le Dr souvet parlera avec les sages femmes de la maternité l’accompagnement dans une démarche santé environnement. Évoquons maintenant les actus santé environnement publiées cette semaine.

Le matin du 15 avril, un collectif de chercheurs du CNRS, de l’INRA et de l’INSERM alertent sur les fongicides qui sont employés pour lutter contre les champignons. Une fois pulvérisés dans les champs agricoles et sur les pelouses, ils terminent leur route dans les eaux, sols, et dans l’air et donc dans la chaîne alimentaire.

Les SDHI bloquent la respiration cellulaire des champignons mais «ils bloquent aussi très efficacement tant la SDH (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase) des nématodes ou des vers de terre que la SDH humaine», explique Pierre Rustin, directeur de recherches au CNRS – Inserm.

Pour faire simple, ce fongicide peut-être la cause de diverses pathologies : apparition de cancers, de la maladie de parkinson, perturbation de l’activité spermatozoïdale, d’où l’importance de limiter son utilisation. Vous pouvez lire l’article complet ici. Maintenant passons au focus du Dr Spiroux qui va nous parler des Perturbateurs Endocriniens et de leurs effets, non seulement sur la fertilité, mais aussi sur le métabolisme.

Le focus du Dr Spiroux – “Les pathologies environnementales liées aux perturbateurs endocriniens”

Depuis cinquante ans, nous constatons une augmentation importante de pathologies lourdes : cancers, maladies neurodégénératives, troubles de la procréation, stérilité, malformations néonatales, allergies… Ces maladies, appelées « maladies chroniques » sont en fait liées à la pollution de notre environnement.

Ce sont donc des « pathologies environnementales » dues à la pollution par les produits chimiques déposés sur la planète depuis le début du 20ème siècle (420 millions de tonnes en 2013 selon l’OMS). Parmi ces produits chimiques, il existe une catégorie nouvelle, mise en évidence pour la première fois en 1991 par Theo Colborn1 : les « Perturbateurs Endocriniens ».

Dans notre corps, la communication entre les cellules et les organes est fondamentale. Il existe deux systèmes :
– Endocrinien ; sécrétion d’hormones dans le sang, signaux chimiques, action lente, continue, diffuse et généralisée
– Nerveux (signaux électriques) ; effets immédiats, brefs et localisés

Les Perturbateurs Endocriniens (PE) peuvent perturber toutes nos glandes hormonales  (hypothalamus, hypophyse, thyroïde, ovaires, testicules, glandes surrénale, etc.). Ils ressemblent à nos hormones, et par mimétisme, blocage des sécrétions ou interférence, ils modifient la production, le transport, l’action ou la dégradation de nos hormones. Ainsi, ils peuvent provoquer ou favoriser l’apparition de cancers, de stérilité, de malformations néonatales, d’autisme, de maladies neurodégénératives (parkinson…) de diabète, d’obésité…

PE et procréation
Les indicateurs de la santé reproductive (résultats InVS 2011-2012) montrent une augmentation : des cancers du testicule, de l’hypospadias, de la cryptorchidie (absence d’un ou de deux testicules) et des pubertés précoces. Tout cela sans compter l’augmentation de l’endométriose et des difficultés pour de nombreux couples à procréer.

PE et thyroïde
Les glandes thyroïdes ont une action très importantes, et l’on sait que la diminution de ces hormones pendant la grossesse peut avoir une action très délétère sur le psychisme et aussi sur le morphotype des enfants, d’où l’expression du “crétin des Alpes”.

  • Les faibles concentrations de thyroxine libre chez la mère au début de la grossesse sont associées à une altération du développement psychomoteur en bas âge,2
  • L’hypothyroxémie maternelle en début de grossesse prédit des tests de temps de réaction réduits chez les enfants de 5 à 6 ans,3
  • L’hyperthyroxémie et l’hypothyroxémie pendant la grossesse sont associés à un faible QI et réduit le volume cortical.4

 

PE et métabolisme
Les PE peuvent agir comme des polluants obésogènes et diabétogènes en perturbant le contrôle de la glycémie, de la lipémie (Teneur du sang en lipides) et de la prise alimentaire (satiété).5

Une étude transversale du National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES) (2003-2004), réalisée auprès de 1455 adultes, a analysé le dosage BPA urinaire. L’étude montre une association entre l’imprégnation au Bisphénol A, et l’apparition de maladies cardiovasculaires et du diabète.6

Par ailleurs, il a été montré que certains PE favorisent la différenciation des cellules souches en adipocytes et Hypométhylation gènes de l’adipogénèse.7

Nous pourrions continuer de la sorte pour toutes les glandes…

Ces PE sont omniprésents dans notre environnement et font partie de très nombreuses familles de produits chimiques : pesticides, plastiques, produits anti-feux, dioxines, PCB, HAP (hydrocarbures aromatiques), phytoestrogènes, médicaments hormonaux et certains métaux lourds.

Ces produits ont donc des particularités biochimiques nouvelles qui échappent à la toxicologie réglementaire : Ce n’est pas la dose qui fait le poison comme nous l’avons toujours cru depuis Paracelse. De très faibles dose de l’ordre du ppm (1 partie par milliard) peuvent être plus toxiques que des fortes doses. L’effet n’est donc pas proportionnel à la dose. De surcroît, il existe des fenêtres d’impacts toxicologiques variables. Ainsi, les périodes de la vie les plus risquées sont celles de la grossesse et de la jeune enfance.

L’évaluation toxicologique de ces produits n’est pas apte à protéger, ni les humains, ni la faune sauvage qui souffre des mêmes impacts que nous, ni des écosystèmes dont nous dépendons. La nécessité de la prise en compte rapide des caractéristiques particulières des PE est impérative. Elle doit se traduire par une refonte totale de la toxicologie réglementaire, et donc des normes toxicologiques d’utilisation de tous ces produits.

Le 20ème siècle a été le celui de « l’hygiène Pasteurienne »,

Le 21ème siècle doit devenir le celui de « l’hygiène chimique ».

Sources

1 Zoologiste et épidémiologiste américaine, théoricienne des perturbateurs endocriniens, coauteur de « L’homme en voie de disparition » ed. Terre Vivante.

2 Low maternal free thyroxine concentrations during early pregnancy are associated with impaired psychomotor development in infancy. Pop VJ, Kuijpens JL et al.  Clin Endocrinol (Oxf). 1999 Feb;50(2):149-55.

3 Maternal hypothyroxinemia in early pregnancy predicts reduced reaction time tests in 5- 6 year offspring. Finken ME et al JCEM 2013

4 Hypo as hyperthyroxinemia during pregnancy are associated with lower IQ, lower white matter density and reduced cortical volume Korevaar et al. Oct 2015 (online) The Lancet

5 Tang-Péronard et al. Obesitu Rev. 2011 ; Hectors et al. Diabetologia.2011 ; Janesisick et al. Int J Androl. 2012 ;

6 Lang et al. Jama 2008

7 Kirchner et al. Mol Endocrinol  2010

A jeudi 10 mai (le débrief devient bimensuel) et d’ici-là portez-vous bien !

Le club des 11 de l’ASEF