Le débrief de l'ASEF du 9 novembre 2017

Bonjour à tous,

Cette semaine, l’Association Santé Environnement France décortique la revue épidémiologique sur l’intérêt du bio, publiée fin octobre par la revue Environmental Health. Alors, le bio est-il meilleur pour la santé que l’alimentation conventionnelle ? Réponse dans ce débrief.

Le bio est-il meilleur pour la santé ?

 

Une revue épidémiologique sur l’intérêt du bio vient de paraître dans la revue Environmental Health (1). Elle a été écrite par des scientifiques suédois, danois, polonais et américain, associés à l’unité de recherche en épidémiologie de la nutrition de la Sorbonne qui a étudié toutes les publications sur le sujet.

Les comportements des Français ont évolué avec le temps. En 2000, ils privilégiaient le goût, en 2007, le frais et en 2015, le bio couplé à une demande croissante de proximité, de recherche de naturalité et de sécurité éthique.

Quelques éléments majeurs sont à retenir pour savoir si le bio est meilleur pour la santé.

D’abord, le mangeur bio est évidemment moins exposé aux pesticides que le mangeur de nourriture conventionnelle. Il faut rappeler que l’exposition aux pesticides peut favoriser des cancers touchant le système hématopoïétique (lymphome non hodgkinien, leucémie, mais aussi myélome multiple, prostate, testicule, mélanome et, chez les enfants dont la mère a été exposée pendant la grossesse, cerveau et leucémie). Un grand nombre de pesticides étant neurotoxiques, on retrouve un lien fort avec la maladie de Parkinson et moins important avec la maladie d’Alzheimer. Chez les mères exposées, plus de morts fœtales, de malformations et de troubles du neurodéveloppement de l’enfant (perte de point de quotient intellectuel, troubles du comportement, …) sont possibles.

La difficulté est de savoir si, en diminuant l’exposition aux pesticides par l’alimentation, on obtient un résultat tangible sur l’amélioration de la santé.

On observe chez les consommateurs de bio une réduction de l’incidence de l’hypertension du diabète de type 2, des maladies cardiovasculaires et une baisse de 30 % de l’obésité chez les gros consommateurs par rapport aux petits. Mais, le mangeur bio est susceptible de manger plus de fruits et de légumes, moins de viande et de moins fumer, ce qui ajoute un facteur de confusion.

Sur le plan du cancer, on note une diminution de l’incidence du lymphome non hodgkinien. L’étude, qui s’y réfère, a été conduite sur une cohorte anglaise de 623 080 femmes d’âge moyen mais seulement sur une durée de 9,3 ans. Les liens entre la consommation d’aliments bio et la santé restent donc insuffisamment documentés au plan épidémiologique, sachant qu’évidemment les consommateurs ne sont pas exclusivement bio.

Chez l’enfant, il y a une réduction du risque d’eczéma lors de la consommation exclusive de produits laitiers bio pendant la grossesse et l’enfance, et moins de pré-éclampsie chez la mère en cas de consommation de légumes bio.

Est-ce que le système de culture a un impact sur la vie cellulaire et le système immunitaire ? Eh bien oui ! On a observé que des extraits de fraises biologiques ont montré une activité antiproliférative plus forte contre une lignée de cellules cancéreuses du côlon et du sein, comparativement aux fraises produites de manière conventionnelle.

Les extraits de jus de betteraves rouges organiques fermentés naturellement produisent plus de vitamines C et de composés phénoliques. L’activité anticancéreuse sur des cellules cancéreuses gastriques est également plus forte.

Mais, on ne sait pas quel extrait alimentaire aurait un effet bénéfique. Il paraît d’ailleurs intéressant d’étudier plutôt les effets de l’aliment ou d’un régime particulier, plutôt que l’effet nutriment par nutriment. On appelle cela la synergie alimentaire.

Concernant les vitamines et oligoéléments, il y a peu de différences entre les cultures conventionnelles et biologiques. On note un peu plus de composés phénoliques, de fer et de tocophérols dans le bio et un peu plus de de sélénium et d’iode dans le conventionnel. A rappeler : pendant la grossesse, en cas de déficit en iode, il faut proposer du sel enrichi en iode car, contrairement à ce que l’on pense, le sel marin en contient très peu.

Pour les métaux, le cadmium, métal cancérigène et perturbateur endocrinien, est moins présent dans le bio. Cela pourrait être dû à la présence plus grande de cadmium dans les engrais  minéraux mais cette hypothèse reste à confirmer.

La qualité de l’alimentation animale a un rôle à jouer dans les omégas 3.  La composition en acides gras de l’aliment est un déterminant important de la composition en acides gras du lait, de l’œuf ou de la viande.

  • L’herbe et le trèfle rouge, aliments de fourrage, contiennent entre 30 % et 50 % d’Acides Gras oméga-3 ; les tourteaux de soja, de maïs et de palmiste moins de 10 % d’acides gras oméga-3
  • Les produits laitiers biologiques, et probablement aussi la viande, ont une teneur en acides gras oméga-3 supérieure d’environ 50 % par rapport au conventionnel. Mais, cet apport reste assez limité par rapport à l’apport total en oméga 3 : il augmenterait de 2,5 à 8 % (produits laitiers) et de 2,5 à 4 % (viande).

Antibiorésistance

La mise sous antibiotique en prophylaxie est interdite en bio. Dans certains élevages conventionnels, il ressort une présence plus fréquente de résistance aux salmonelles e coli et aux staphylocoques dorés. Un porc élevé en conventionnel recevrait 5 à 15 fois plus d’antibiotiques. Aux Etats Généraux de l’Alimentation, l’ASEF a alerté sur le traité de libre-échange avec le canada (CETA) qui peut permettre d’introduire, par exemple, des élevages ayant utilisé des antibiotiques comme facteur de croissance (ils sont ajoutés dans l’alimentation des animaux).

L’exposition précoce aux pesticides est une préoccupation majeure, en particulier l’exposition prénatale qui peut nuire au développement du cerveau.

Dans une cohorte de naissance de New York, la concentration d’organophosphates chlorpyrifos dans le sang du cordon ombilical était associée à un retard de développement psychomoteur et mental chez les enfants pendant les sept premières années de vie. 

En France,  la  cohorte mère-enfant PELAGIE (2), mise en place entre 2002 et 2006, a suivi 3 500 couples mères-enfants. Un dosage de cinq métabolites (3-PBA, 4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA et cis-DBCA) a été analysé dans les urines de la mère (recueillies entre la 6ème et la 19ème semaine de grossesse) et de l’enfant à l’âge de 6 ans. Une augmentation des taux urinaires de deux métabolites des pyréthrinoïdes (insecticides) (3‑PBA et cis-DBCA) chez les enfants est associée à une baisse significative de leurs performances cognitives, en particulier de la compréhension verbale et de la mémoire de travail.

Les  conclusions de cette revue montrent que les aliments biologiques peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé. Les consommateurs bio ont une exposition alimentaire relativement faible aux pesticides. Les auteurs évoquent les préoccupations majeures suivantes :

  • « L‘exposition aux pesticides, provenant de la production alimentaire conventionnelle, constitue un problème de santé majeur.
  • Les coûts de l’utilisation des pesticides pour la santé humaine et les coûts connexes pour la société risquent d’être grandement sous-estimés en raison des coûts cachés et externes.
  • Des lacunes dans le processus d’approbation réglementaire des pesticides peuvent conduire à négliger des effets importants et à ne pas les détecter. En effet, seul le produit princeps est évalué alors que les adjuvants potentialisent l’effet toxique du produit, que les effets cocktails ne sont pas pris en compte. Nous souhaitons d’ailleurs que ces effets soient étudiés lorsque les cibles des pesticides sont les mêmes (exemple de la toxicité sur la spermatogénèse).
  • L’évaluation des effets neurotoxiques des pesticides n’est pas suffisante. On s’aperçoit notamment que l’exposition du fœtus pendant la grossesse provoque une baisse significative des fonctions cognitives ».

(1) “Human health implications of organic food and organic agriculture: a comprehensive review”, Axel Mie,Helle Raun Andersen, Stefan Gunnarsson, Johannes Kahl, Emmanuelle Kesse-Guyot, Ewa Rembiałkowska, Gianluca Quaglio and Philippe Grandjean – Environmental Health 2017.

(2) Etude Pélagie – Inserm : http://www.pelagie-inserm.fr/index.php ; http://presse.inserm.fr/impact-de-lexposition-environnementale-aux-insecticides-sur-le-developpement-cognitif-de-lenfant-de-6-ans/19531/

                                 Pierre SOUVET, cardiologue et président de l’ASEF

A jeudi prochain et d’ici là portez-vous bien !

Le Club des 11 de l’ASEF