Le débrief de l'ASEF du 18 janvier 2018

Bonjour à tous,

Pour bien commencer l’année, le Parlement Européen a voté il y a quelques jours l’interdiction de la pêche électrique, méthode destructrice pour la biodiversité marine. Une nouvelle encourageante pour la protection de l’environnement et de la santé des humains, de la faune et de la flore !

Dans notre actu santé, l’ASEF vous propose cette semaine un débrief sur les Retardateurs de Flamme Bromés (ou RFB) qui ont des effets néfastes sur la population et plus particulièrement sur les nourrissons, les enfants et les adolescents. Quelles sont leurs caractéristiques et que faire pour s’en protéger ? Le point dans ce débrief.

Les différentes classes des retardateurs de Flamme bromés 

Les Retardateurs de Flamme Bromés (RFB) aussi appelés Retardateurs de Flamme Polybromés (RFP) sont un ensemble de substances caractérisées par la présence d’au moins un atome de brome lié à un atome de carbone d’un noyau phénolique.

Ils sont utilisés pour rendre moins inflammables les produits auxquels ils sont incorporés : textiles, en particulier l’ameublement mais aussi parfois l’habillement synthétique, plastiques, équipements en électrique et informatique.

Les Polybromodiphényléthers (PBDE), incorporés dans des plastiques (en particulier mousses polyuréthane employées dans les meubles), textiles, moulages et circuits électroniques, sont plus utilisés en Amérique du Nord qu’en Europe. La production mondiale s’élevait en 2001 à 66.000 tonnes.

Persistants et fortement bioaccumulables, malgré l’arrêt total de leur production en 2008 en Europe et progressif de 2009 à 2012 aux Etats-Unis, on les retrouve dans les tissus humains, en particulier chez les jeunes américains (Stapleton et col 2012). Ils se retrouvent aussi dans le lait maternel au niveau de toutes les populations mais, là encore, particulièrement aux Etats-Unis (Scheckler 2003).

L’Hexabromochlorodécane (HBCD), utilisé principalement dans l’isolation thermique des bâtiments, est classé dans les POP (Polluants Organiques Persistants) par la Convention des Nations Unies en 2011. Il persiste et se propage sur de longues distances dans l’environnement. Il ne peut plus être utilisé dans l’Union Européenne depuis 2015.

Les Polybromobiphényles (PBB), proches des PCB, sont utilisés dans les appareils ménagers, gros et petits, les textiles, les mousses et les plastiques.

Le Tetrabromobisphénol A (TBBPA), qui a remplacé les PBDE quand ils ont été retirés entre 2004 et 2011, s’est rapidement répandu (déjà 200.000 tonnes en 2003). Il est utilisé comme réactif dans les thermoplastiques des téléviseurs et des cartes de circuits imprimés des ordinateurs. 

A ces substances s’ajoutent les Retardateurs de Flamme non Bromés (RTF). Substances contenant du chlore à la place du brome, elles sont de structure proche du chlorpyriphos ; il s’agit d’organophosphorés, en particulier du TDCPP. A noter que celui-ci se métabolise sous forme d’une substance mutagène. Une étude en 2013 (Carignan et col) a montré qu’on le retrouvait dans 99% des poussières présentes dans les bureaux, les véhicules et les domiciles. Le TDCPP interfère avec la signalisation des hormones thyroïdiennes et a donc lui aussi un potentiel effet perturbateur endocrinien en particulier sur le fœtus.

Expositions pour la population 

En dehors du TBBPA utilisé comme réactif, les RFB migrent facilement des produits où ils sont incorporés vers l’environnement, à l’extérieur et dans « l’air intérieur » des appartements, des véhicules et des bureaux où la majorité des gens passent la plus grande partie de leur temps. Ce relargage a lieu tout au long du cycle de vie des matériaux traités, de leur fabrication à leur élimination, en particulier par incinération.

Exposition alimentaire 

Principale voie d’exposition, les RFB sont stockés dans les tissus graisseux et s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire. On les retrouve dans le beurre, les poissons gras, les mollusques, crustacés et charcuteries.

Air intérieur et poussières domestiques

Exposition par inhalation ou ingestion involontaire (mains chez l’enfant). Les plus souvent retrouvés sont le PDE-209 (PBDE) et les HBCD. Ces derniers sont présents dans les matériaux de construction, en particulier le polystyrène expansé, et les textiles. Les concentrations sont généralement plus importantes dans les espaces confinés (voitures, avions) que les logements.

Exposition environnementale 

Par les sols, à proximité d’usines de production ou après épandage de boues de stations d’épuration, ils peuvent être sources de contaminations de végétaux cultivés, en particulier de légumes-racines.

Se pose actuellement le problème des déchets des plastiques bromés, essentiellement par le PBDE, retrouvés dans les ordinateurs et les appareils électro-ménagers petits et grands. Depuis fin 2016 – début 2017, ces déchets dits « dangereux » et POP doivent partir en « incinérateur dangereux » selon Eco-Système (Le Monde 11-04-2017). Cette pollution nécessite le développement d’une filière spécifique qui est en cours de mise en place.

Exposition professionnelle 

Les employés d’usines de démantèlement d’équipement informatique ou ménager, de recyclage ou d’incinération sont exposés à ces substances nocives.

Exposition pré-natale et allaitement 

Les RFB passent la barrière placentaire et s’accumulent dans le placenta et le liquide amniotique. L’exposition du nourrisson aux RTB lipophiles se poursuit par l’ingestion de lait.

Effets sur la santé

 Chez l’animal

Effets sur la reproduction 

Altération du taux d’hormones sexuelles, oestradiol et testostérone, diminution de la concentration et de la mobilité des spermatozoïdes.

Effets sur le système thyroïdien 

On constate une diminution de la T4 et une augmentation de la TSH.

Effet cancérigène

Des tumeurs du foie ont été décrites.

Chez l’humain

Quelques études épidémiologiques [1] permettent de lier l’exposition aux RFB à des troubles de la fonction thyroïdienne. Ils sont probablement favorisés par la présence de brome ou de chlore, de même classe que l’iode, et une forte similitude structurelle avec la T4. Chez le fœtus, cet effet atteint le développement neuro-cérébral avec possible hyperactivité, baisse du QI chez l’enfant. Ces effets sont d’autant plus marqués que la femme enceinte présente un déficit en iode. Ces études lient également l’exposition aux RFB à des troubles de reproduction, et la survenue de cancer.

Cependant, compte tenu de l’omniprésence d’autres perturbateurs endocriniens et d’autres polluants persistants dans l’environnement, en particulier dans les logements et bureaux, ces effets, bien que probables, sont difficiles encore à affirmer.

Limiter l’exposition aux RFB

Cette exposition est à limiter en particulier chez la femme enceinte et l’enfant, compte tenu de l’effet perturbateur endocrinien thyroïdien et sexuel.

Il est donc conseillé :

  • D’aérer des pièces, si possible une heure par jour au minimum.
  • Pendant la grossesse, d’éviter l’exposition aux meubles neufs, à l’intérieur d’une voiture neuve.
  • De laver avant de les avoir portés les vêtements neufs qui pourraient avoir été traités par RFB (textiles synthétiques)
  • De ne pas laisser allumer la nuit la télévision et/ou le matériel informatique, en particulier quand ils se trouvent dans la chambre à coucher mais aussi dans les bureaux et les lieux de travail.

Enfin, compte tenu de l’effet sur les hormones thyroïdiennes il est important de rappeler que la grossesse favorise un déficit en iode qu’il est facile de compenser par l’usage de sel iodé dans l’alimentation.

Il est important de garder à l’esprit que les retardateurs de flamme sont largement utilisés (probablement plus que nécessaire) et sont donc rencontrés partout dans la vie courante. Leur effet perturbateur endocrinien vient donc se combiner avec celui des autres substances d’effets similaires, elles aussi omniprésentes dans notre environnement, entraînant ce que l’on appelle les effets cocktails.

Limiter leur exposition est forcément bénéfique tout particulièrement pendant les périodes de la vie les plus vulnérables, la vie fœtale, la petite enfance et la puberté.

Bibliographie

[1] Rapport : « Imprégnation des femmes enceintes par les polluants de l’environnement en France en 2011 », Santé publique, décembre 2017.

Le cerveau endommagé. Barbara Demeinex 2013

POP et thyroïde maternelle et infantile Environ Health Perpect 2017.01p127-133

INERIS rapport-tri-classement-déchets electroniques Brome Mars 2017

 

Save the date !

L’AMSES, l’Association Médicale de Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé, organise son 3ème congrès de médecine environnementale en Martinique les 21 et 22 février 2018. Le congrès se tiendra à l’hôtel La Batelière à Schoelcher.

Le programme du congrès est disponible sur le site internet de l’AMSES.

Les inscriptions se font ici.

A jeudi prochain et d’ici là portez-vous bien !

Jean LEFEVRE, cardiologue et porte-parole de l’ASEF