Le débrief de l'ASEF du 14 septembre 2017

Bonjour à tous,

Après les congés d’été, nous voilà de retour pour une nouvelle saison de débriefs hebdomadaires !

Cette semaine, nous revenons sur le scandale du Fipronil qui a éclaté début août. Nous ferons ensuite une synthèse sur les accidents cardio-vasculaires liés à la pollution de l’air.

C’est parti pour ce premier rendez-vous de la rentrée !

Le scandale du Fipronil

Vous le savez certainement, cet été, du Fipronil a été détecté dans des œufs, issus d’élevages industriels des Pays-Bas et de la Belgique. Le Fipronil est un insecticide de la famille des phénylpyrazoles, voisine des néonicotinoïdes. Cet insecticide systémique est  interdit sur les animaux destinés à la consommation humaine, mais autorisé comme antiparasitaire pour les animaux de compagnie. Le Fipronil est aussi un neurotoxique, par inhibition du neurotransmetteur GABA.

Ce scandale pose problème à deux niveaux :

Tout d’abord, cette fraude date de septembre 2016 (selon les déclarations de la Commission européenne le 31 août dernier). Après les scandales de la viande de cheval dans les plats préparés, du trucage des mesures d’émissions des moteurs diesels, celui du Fipronil alerte encore une fois sur le laxisme des autorités européennes.  Il souligne également le danger des économies réalisées sur le fonctionnement des organismes de contrôle, comme l’a reconnu l’Agence Néerlandaise de Sécurité de l’Alimentation. Les recherches de rendement et d’économies réalisés dans les élevages intensifs peuvent être mises en cause puisqu’elles entraînent l’utilisation de produits souvent peu bénéfiques pour notre santé et parfois non autorisés.

Par ailleurs, au niveau toxicologique, nous sommes en permanence en contact avec des milliers de substances, dont beaucoup d’autres biocides, parfois du même type que le Fipronil, par voie cutanée ou respiratoire (traitement des animaux de compagnie, anti fourmis, traitement phytosanitaires) et alimentaire (traitement des fruits et légumes). Ce contact permanent peut entraîner des effets de potentialisation et de sommation (effets cocktail). Ces effets s’intègrent dans une exposition chronique où leur rôle, bien que minime, n’est certainement pas bénéfique.

Outre sa toxicité neurologique, comme beaucoup d’autres substances rencontrées dans la vie courante, le Fipronil a très probablement un effet perturbateur sur la fonction thyroïdienne. Or, ces substances n’obéissent pas à la toxicologie classique où « la dose fait le poison » et peuvent se manifester pour des doses minimes, à long terme. Notamment, lors du développement cérébral du fœtus et du nouveau-né, comme l’ont montré en particulier les travaux de Barbara Demeneix, spécialiste mondiale des perturbateurs endocriniens.

Les effets cardio-vasculaires de la pollution de l’air

60 à 80 % des décès, en relation avec la pollution de l’air, sont de cause cardio-vasculaire. C’est à partir de ce constat que Thomas Bourdrel et Coll ont publié un panorama de la littérature dans la revue de la Société Française de Cardiologie. Thomas Bourdrel est, par ailleurs, membre de l’Association Santé Environnement France.

Après un rappel des notions de base sur la pollution de l’air, les auteurs ont évoqué les études épidémiologiques qui montrent le lien entre cette pollution et les différentes pathologies cardio-vasculaires. Ils ont également mis en avant les études expérimentales chez l’animal et l’homme qui confortent ce lien.

 Rappel des notions de base :

Les composants responsables sont, d’un côté, les microparticules PM : les PM 10 (diamètre entre 10 et 2,5 mm) qui ne passent pas la barrière alvéolaire pulmonaire, les PM 2,5 (diamètre compris entre 2,5 et 1mm) et les PM 1 ultrafines (<1 mm, nanoparticules) qui passent cette barrière.

  • Les PM organiques, carbonées, issues de matières organiques fossiles ou non : elles transportent à leur surface des composés chimiques organiques ou métalliques. Elles sont émises par le trafic routier, le chauffage, l’industrie. Ces PM prédominent en zone urbaine ou près des voies de trafic intense.
  • Les PM inorganiques (poussières minérales, sables) qui proviennent principalement de l’agriculture.

Autres responsables, les composés gazeux : NO2, NO, Ozone, SO2, COV et CO. A noter que les oxydes d’azote (NO et NO2) et de soufre (SO2) peuvent donner naissance à des particules secondaires inorganiques de sulfates et nitrates.

Pollutions de l’air extérieur et intérieur :

  • L’air extérieur: la pollution est variable selon les zones géographiques, les continents, les zones urbaines ou agricoles. Elle est composée de microparticules carbonées par combustion de biomasse ou de carburants fossiles, issues du trafic routier, du chauffage ou de l’industrie ou non organiques, issues de l’agriculture et/ou du freinage des véhicules, de la recombinaison des gaz émis par les moteurs dans les zones de trafic intense. Enfin, elle est aussi composée de ces gaz, oxydes d’azote par le trafic routier et de soufre par le trafic maritime et l’industrie.
  • L’air intérieur: la pollution de l’air intérieur est composée de poussières, de composés organiques volatils (COV), de produits de combustion variables selon les régions et les pays (tabac, cuisine, chauffage). Sans oublier l’air extérieur qui pénètre dans le bâtiment (jusqu’à 60 % selon une étude européenne récente).

Sur le plan épidémiologique :

Sur l’exposition à long terme, les méta-analyses montrent une augmentation moyenne de 11 % de la mortalité cardio-vasculaire pour une augmentation annuelle de 10mg/m3 en PM 2,5 et de 13 % pour une augmentation du même ordre de NO2Les pics de pollution sont également associés à une augmentation du risque d’IDM, d’AVC, d’insuffisance cardiaque et, selon certaines études, de trouble du rythme.

Sur le plan expérimental :

De nombreuses études expérimentales confirment le rôle de la pollution de l’air dans l’apparition d’une maladie cardio-vasculaire. En franchissant la barrière alvéolaire pulmonaire, les microparticules PM 2,5 et PM 1, ainsi que le NO2, génèrent un stress oxydatif vasculaire systémique. Ils engendrent également une inflammation ainsi qu’une augmentation des facteurs de coagulation et de l’activité plaquettaire, ces facteurs favorisant l’athérosclérose et la thrombose. Ces études expérimentales évoquent,d’autre part, la nocivité particulière des PM 2,5 et PM 1 issues des processus de combustion.

Cette revue exhaustive souligne l’importance de la pollution de l’air dans notre vie de  tous les jours. Elle considère cette pollution comme un facteur de risque supplémentaire de maladie cardio-vasculaire, au même titre que l’hérédité, l’HTA, l’hypercholestérolémie ou le diabète.

Remarques

Le rôle que jouent les émissions de PM et de gaz par les moteurs à essence a été moins étudié. Mais, les émissions de NO2 plus importantes, la formation de PM secondaires par ce gaz associée à celle de microparticules moins importantes peuvent jouer un rôle, sans doute moindre, dans la survenue de maladies cardio-vasculaires.

Par ailleurs, le rôle des PM non issues de combustion ne sont pas encore étudiées de façon suffisante. Les PM issues du freinage représentent environ 55 % de la masse des PM inorganiques et 20 % de la masse des PM totales issues du trafic (cf EHP 2014). Selon la majorité des auteurs, la distribution de ces PM est plutôt bimodale avec un pic <100 nm et un pic autour de 300 nm, variable selon le type de frein et le type de freinage (brutal ou décélération). La composition chimique (carbone, métaux lourds) joue certainement aussi un rôle, avec une prédominance des particules métalliques (Fe, Cu, Ba, Pb).

A jeudi prochain et d’ici là portez-vous bien !

Le Club des 11 de l’ASEF