Notre santé et la biodiversité - Ouvrage collectif

  • Une du livre "Notre santé et la biodiversité : tous ensemble pour préserver le vivant"

L’ASEFpierresouvetportraiththouroude: En choisissant de travailler sur la biodiversité, n’avez-vous pas eu peur de vous éloigner des questions de santé, et finalement de ce qui préoccupe les gens au quotidien

Dr Pierre Souvet: Beaucoup de patients m’ont effectivement fait ce reproche. Ils m’ont demandé si j’allais me mettre à faire des choses inutiles! Au milieu de la crise, du chômage, de la baisse du pouvoir d’achat, il est extrêmement difficile de faire entendre la voix des sans-voix du monde vivant….

Vous nous avez confié que beaucoup de personnes vous ont demandé quel était l’intérêt de se mobiliser pour la biodiversité…. 

Oui, c’est vrai ! Sincèrement, je pense que l’intérêt principal de la biodiversité est qu’elle ramène l’homme à sa place dans le monde vivant. Comme l’écrivait déjà au 17° siècle Spinoza, « L’homme n’est pas un empire dans un empire », et il ne faudrait jamais l’oublier!

Mais pourtant, si vous avez fait médecine, c’était bien pour vous occuper de femmes et d’hommes

Quand j’ai choisi de faire médecine, c’était évidemment pour soigner mes semblables. Mais au fil des années, je me suis rendu compte qu’il était vain de vouloir le faire en détruisant la biodiversité qui nous entourait. J’ai compris que la féminisation des poissons, l’extermination des renards ou encore la déforestation pouvaient avoir un impact sur la santé humaine! Parce que tout est interconnecté, parce que « l’homme n’est justement pas un empire dans un empire ».

Quel regard avez-vous sur votre pratique quotidienne de la médecine

Les antibiotiques utilisés de façon massive pendant des années ont entrainé l’essor de celles que l’on nomme les « bactéries résistantes ». Mais on peut aussi parler du problème des médicaments dans l’eau. Rejetés via l’urine ou les excréments des personnes ou des animaux d’élevage les consommant, ils polluent l’eau que l’on boit.

Mais qu’est-ce que le citoyen peut y faire… Faudrait-il que nous arrêtions de prendre les médicaments qu’on nous prescrit pour ne pas polluer 

C’est là le problème. Qui est responsable ? En tant que patient, vous souhaitez guérir et vous prenez ce que l’on vous prescrit et c’est bien légitime. En tant que médecins, lorsqu’on prescrit, on calcule le coût bénéfice-risque par rapport à l’intérêt du patient – ce qui est déjà assez compliqué-, pas par rapport à la société dans sa globalité. La difficulté vient du fait que nous pensons un problème global. Seul, je me sens impuissant, voire même inutile, face à l’importance des enjeux. Pourtant, si tout le monde se résigne, rien ne change. Si les esclaves, si les défenseurs des droits de l’enfant, si les femmes s’étaient résignés, rien n’aurait changé !

Bon d’accord… Mais concrètement

Chacun à notre échelle, nous pouvons agir pour la biodiversité, pour l’environnement, même s’il est évident que la solution ne peut être que collective. En ce qui concerne l’impact de nos pratiques médicales par exemple, le Gouvernement suédois a édité un petit guide pour les médecins afin qu’ils puissent prescrire en ayant conscience de l’impact des médicaments sur l’environnement. …. La santé du ver de terre peut avoir un impact sur celle de l’homme. Aucun être vivant n’est négligeable. Il est donc capital de s’armer pour défendre la biodiversité: investir dans la recherche, former nos décideurs politiques afin qu’ils décident d’une politique préservant la biodiversité et la santé, mais aussi, informer le plus largement possible pour une prise de conscience globale de l’impact de nos actions locales.